1945-1975

La sculpture belge méconnue

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2017 - 517 mots

La Patinoire royale réhabilite la « génération sacrifiée » par la politique régionaliste en Belgique, de l’ après-guerre aux années 1970.

Bruxelles. Pour peu, on oublierait que l’on est dans une galerie commerciale tant le décor est muséal. La salle immense et très haute de plafond de la Patinoire royale est rythmée par des rideaux filaires blancs qui divisent l’espace sans le cloisonner. Au fond, le bruit de l’eau qui coule dans une immense fontaine mobile de Pol Bury – la pièce la plus grande et la plus prestigieuse de l’exposition. Le parcours, qui comporte sept environnements circulaires et réunit une trentaine d’artistes, sans être véritablement chronologique, cherche à montrer l’évolution de la sculpture belge de la figuration à l’abstraction, abstraction parfois organique mais essentiellement de type géométrique.

Des artistes peu soutenus
Deux manières de visiter l’exposition. La première, savante, un peu pédante même, guidée par un historien de l’art ne pouvant s’empêcher de pointer les références aux vedettes de la modernité : Zadkine, Modigliani, Brancusi… L’autre façon, probablement plus avantageuse, est de mettre son savoir en veille et regarder les œuvres pour leurs qualités propres.

De fait, si ces travaux restent en grande majorité peu connus, même du public belge, c’est qu’il s’agit de la période qui court entre 1945 et 1975. Selon les historiens, les artistes actifs pendant ces « trente glorieuses » font partie de la « génération sacrifiée » par la suite, quand l’État belge, au début des années 1970, est partagé en régions. Désormais, les commandes publiques sont attribuées quasi exclusivement aux artistes « locaux ».

« Sculpting Belgium » commence par Oscar Jespers (1887-1970), l’ancien professeur de plusieurs sculpteurs présentés ici. Selon les commissaires, il fut le premier artiste belge à avoir simplifié « les formes et structuréles volumes, influencé par le cubisme ». Pas seulement par le cubisme car on y trouve des citations de Brancusi ou de Modigliani. Il faut espérer que Jespers fut plus original en tant que pédagogue qu’en tant qu’artiste.

La section suivante, figurative, a pour thème le nu, plus particulièrement féminin, traité de manière variable : une forme allongée massive d’Olivia Strebelle, un buste dressé et recouvert d’un réseau de lignes à l’image d’une carte (André Eijberg) ou encore une très belle œuvre qui métamorphose un corps en une série de vagues (Monique Guebels-Dervichian).

Puis, du corps ne restent plus que des suggestions, parfois des formes arrondies, plus souvent des formes géométriques, des variations post-cubistes. Suivent des œuvres qui s’inscrivent dans la mouvance de l’abstraction géométrique, nettement plus convenues. En réalité, les vraies surprises sont les sculptures qui n’appartiennent à aucune catégorie précise. Ainsi, une œuvre métallique puissante, évoquant une esthétique de type industriel (André Willequet). Ailleurs, des assemblages faits à partir de morceaux de bois, dont les formes témoignent d’une imagination débridée, tranchent avec l’apparence lisse qui domine l’exposition (Vic Gentils). Terminons toutefois par un hommage à l’humour belge : une figure féminine au corps ouvert sur l’espace, dotée d’un appendice nasal colossal, de Reinhoud d’Haese. Le titre de cette œuvre ? Une dame bien née.

Sculpting Belgium, La sculpture en Belgique durant les « trente glorieuses », 1945-1975,
jusqu’au 23 décembre, La Patinoire royale, rue Veydt, 15, Bruxelles.
Légende photo

André Willequet, Architecture, 1977, bronze, 22 x 37 x 10 cm © Courtesy La Patinoire Royale / Galerie Valérie Bach

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°490 du 1 décembre 2017, avec le titre suivant : La sculpture belge méconnue

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