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La sculpture absente de Didier Vermeiren

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 31 janvier 2017 - 675 mots

Au Frac Bretagne, l’artiste belge regroupe une bonne partie de son travail dans un accrochage mettant en évidence les problématiques du socle et du négatif de la sculpture.

RENNES - L’œuvre de Didier Vermeiren (né en 1951) est d’une raideur à la fois impeccable et implacable. Tout y paraît sous contrôle, parfaitement réglé, ayant annihilé toute idée d’imperfection possible ou de hasard envisageable. À regarder de près son travail, on constate que ce qui l’occupe sont des problématiques de sculpture pour le moins élémentaires : horizontalité, verticalité, volume, densité, pesanteur, sans oublier l’éternelle et épineuse question du socle. Présentées ainsi, ces caractéristiques pourraient suggérer  que le tout est d’un ennui mortel. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.

En premier lieu car, ainsi que le démontre l’exposition quasi-rétrospective que lui consacre à Rennes le Frac Bretagne, la sculpture apparaît être là un champ d’expérimentation constante. « La sculpture produit le sculpteur, mais ces renvois fonctionnent dans des temps différents », affirme l’artiste, comme pour justifier cette recherche de chaque instant.

Très souvent faites de couches et d’empilements, ses œuvres, quoique remarquablement structurées, assument la diversité, le décalage, voire l’antinomie dans les formes et matières qui les composent. Ainsi en est-il de Solide plastique #1 (1998) qui superpose une palette, un cube en bois et des langues de terre sèche comme tombées dessus, ou encore Place (2000), constituée d’un chariot en bronze évidé, à la forme parallélépipédique élémentaire, reposant sur un volume en bois qui, lui, est plein. Les exemples de pièces dans lesquelles se joue une tension par l’entremise des oppositions qui devient l’enjeu de la sculpture pourraient être multipliés presque à l’infini.

Quoiqu’un peu ardue évidemment, cette exposition regroupant une cinquantaine d’œuvres est réjouissante dans la manière dont se télescopent toutes ces questions ouvertes dans un accrochage au cordeau, qui démontre la complémentarité des recherches engagées. « Le travail se nourrit de lui-même, mais la difficulté est d’articuler les choses afin de faire un ensemble cohérent », estime ainsi l’artiste.

Dialectique du plein et du vide
Mais l’autre grande affaire de Vermeiren, c’est bien le socle, qui depuis des débuts effectués à la fin des années 1970, alors que régnait encore l’esthétique minimale, est en un geste radical devenu un élément récurrent de son vocabulaire en même temps qu’un objet de réflexion permanente… sur la sculpture ! Non seulement en témoignent ses nombreux travaux qui jouent avec le parallélépipède et le rythme de l’empilement, mais au-delà, certains imposent le support comme l’objet même de la réflexion. Tel cet admirable Monument à Victor Hugo (1991) constitué d’un socle sur lequel repose le moule qui en a permis la conception. Ou encore l’installation Collection de solides (1978-1985), constituée de cinq volumes copiant les exactes proportions d’autant de supports de sculptures mythiques de Rodin, David Smith ou Canova, conservées dans des lieux où l’artiste a exposé.

De même qu’ailleurs sont perceptibles des références et allusions à Carl Andre, Giacometti ou Bourdelle, c’est presque une histoire de la sculpture, de ses gestes forts et de ses pièces iconiques ou novatrices qui est là célébrée en creux, par le truchement de l’absence. L’intérêt et l’importance de la réflexion relative au socle – lieu et volume à la fois – semble finalement tenir dans une idée de la sculpture qui peut se lire en négatif. Ce que confirment les photographies de ses œuvres – qui sont aussi des œuvres elles-mêmes –, en négatif ou solarisées justement, qui en leur confèrent un caractère fantomatique et paradoxalement une autre présence. Par ces jeux incessants de recherches, de renvois et de citations plus ou moins sibyllines, Vermeiren s’affirme en héritier d’une histoire de la sculpture, dont il tente de percer le mystère par-delà l’apparence ou la physicalité. « Je ne fais pas une recherche formelle. Ce qui m’intéresse serait de toucher l’essence même de la sculpture, mais je n’ai pas trouvé la réponse, alors je continue à travailler », affirme-t-il. Il y a fort à parier qu’il va chercher longtemps encore.

DIDIER VERMEIREN

Commissaire : Catherine Elkar et Didier Vermeiren
Nombre d’œuvres : 46

DIDIER VERMEIREN. CONSTRUCTION DE DISTANCE

Jusqu’au 23 avril, Frac Bretagne, 19, avenue André Mussat, 35011 Rennes, tél. 02 99 37 37 93, www.fracbretagne.fr, tlj sauf lundi 12h-19h, entrée 3 €. Catalogue à paraître.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°472 du 3 février 2017, avec le titre suivant : La sculpture absente de Didier Vermeiren

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