Photographie

La saga Giraudon

Le Journal des Arts

Le 27 mai 2005 - 647 mots

Histoire de la bibliothèque qui alimenta artistes et historiens d’art en « reproductions ».

 PARIS - Giraudon est un nom encore connu des historiens d’art, comme celui d’Alinari. La maison Giraudon, située 9, rue des Beaux-Arts, a fourni pendant un siècle les « reproductions d’œuvres d’art » nécessaires à tout travail de comparaison, d’identification et d’illustration. Deux expositions, à Paris et à Bourges, et surtout un intéressant catalogue rendent compte de cette activité, à travers un fonds conservé aux archives départementales du Cher, à Bourges.
Adolphe Giraudon ouvre en 1877 sa bibliothèque photographique rue Bonaparte à Paris, en face de l’École des beaux-arts qu’il va compter comme son meilleur client. Mais il n’est pas un pionnier dans ce genre de service, puisque, à Paris, une vingtaine de maisons éditent des photographies « documentaires ». N’ayant à son actif qu’un maigre fonds personnel dont il a produit les négatifs, Giraudon rassemble et met à disposition des épreuves de diverses provenances, obtenant des dépôts de firmes étrangères déjà très présentes sur leur propre marché, comme Alinari, Anderson, Brogi, Hanfstaengl. Il commercialise aussi les vues d’architecture de Mieusement et les études académiques (nus masculins et féminins) du viennois Heid. Le catalogue décrit bien cette mise en place d’une stratégie orientée vers la fourniture des photographies d’œuvres d’art disséminées dans des musées, des collections, des édifices publics ou des églises beaucoup moins accessibles qu’aujourd’hui ; et les obstacles de la concurrence comme celle de Braun, qui a passé un contrat avec le Musée du Louvre.

Numérisation
Jusqu’à la fin du siècle, les artistes et les artisans sont la principale clientèle, à la recherche de documents de tous ordres à compiler. Puis viendront les historiens, les éditeurs de cartes postales et de livres. En 1889, Giraudon possède déjà 50 000 documents (dont 7 000 études d’après nature, très prisées des artistes) ; il en aura le double en 1900, lorsqu’il s’installe rue des Beaux-Arts. Entre-temps, il a lancé des campagnes sur de nombreuses collections, de manière presque exhaustive, et édité des catalogues spécialisés selon les genres. La particularité artisanale de l’entreprise Giraudon est de conserver son attache provinciale : les tirages sont faits dans la maison familiale de Chârost, dans le Cher, où 1 400 plaques furent retrouvées il y a quelques années (elles sont maintenant aux archives départementales du Cher).
En 1912, l’affaire est reprise par son fils Georges, qui reprend de plus belle les campagnes et entreprend de renuméroter tout le fonds selon d’autres normes. Tout un pan de cette fébrile activité documentaire resurgit grâce aux précises études du catalogue (par Monique Le Pelley Fonteny, ancienne directrice de Giraudon) sur les photographes plus ou moins célèbres dont on diffusait les fonds (Frith, Laurent, Mansell), ou auxquels on avait recours occasionnellement (Joly-Grangedor, Paul Berthier, Jubert, Jules de Laurière, Martin-Sabon). Le catalogue fourmille de ces renseignements qui restituent les échanges et les besoins de la première époque médiatique. Manifestement, l’après-1945 appelle un renouvellement des objectifs, avec l’embellie de l’édition d’art, la réorganisation des musées et les nouveaux usages des perceptions des droits des photographes. Le fonds Giraudon est racheté par Larousse en 1953, puis ce sont les nouveautés techniques qui apportent des bouleversements : le déclin du « noir et blanc » pour la diapositive couleur et l’Ektachrome. Passant entre différentes mains, dont Gamma et Getty Images, le fonds Giraudon est numérisé à partir de 1996 ; il est aujourd’hui géré par the Bridgeman Art Library et reste une importante source internationale.

ADOLPHE ET GEORGES GIRAUDON, UNE BIBLIOTHÈQUE PHOTOGRAPHIQUE

Jusqu’au 19 juin, musée Rodin, hôtel Biron, 75 bis, rue de Varenne, 75007 Paris, tél. 01 41 18 61 10, tlj sauf lundi et fêtes, 9h30-17h45 ; jusqu’au 13 juillet, archives départementales du Cher, rue Heurtault-de-Lamerville, 18022 Bourges, tél. 02 48 55 82 60, du lundi au vendredi (fermé le 13 juin), 8h30-12h30 et 13h30-17h30. Catalogue, Somogy Éditions d’Art, 232 p., 30 euros, ISBN 2-85056-843-0.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°216 du 27 mai 2005, avec le titre suivant : La saga Giraudon

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