Philanthropie

La saga des Camondo

Cette famille de collectionneurs, éteinte en déportation, a considérablement enrichi le patrimoine national

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2010 - 444 mots

PARIS - Le Musée Nissim-de-Camondo, entré par legs dans le giron de l’Union centrale des arts décoratifs (UCAD), est aujourd’hui l’un des derniers vestiges parisiens des fastes de la famille Camondo. Celle-ci a pourtant compté parmi les plus importantes dynasties de la finance internationale et du mécénat. De nombreuses œuvres conservées dans les musées nationaux (Louvre, Orsay ou Guimet) en témoignent encore.

L’exposition documentaire du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, à Paris, raconte l’histoire de cette saga familiale de juifs séfarades, exilés au XIXe siècle à Constantinople avec la nationalité autrichienne. Elle ne tente pas le pari délicat de la reconstitution de l’ensemble des collections Camondo.
 
Les premiers portraits de l’exposition sont très éloignés de l’image de dandys mondains forgée par les générations ultérieures des Camondo. Le portrait du patriarche, Abraham Salomon de Camondo (1781-1873), en costume traditionnel ottoman, rappelle que la fortune familiale s’est construite sur les rives du Bosphore, quand les Camondo étaient les banquiers des vizirs. Anoblis grâce à leur soutien apporté à l’unité italienne, les Camondo se rapprochent de l’Europe alors que l’Empire ottoman commence à vaciller.

En 1867, une partie de la famille s’installe à Paris, où la banque est active, se tenant notamment au service de l’impératrice Eugénie. Abraham Behor (1829-1889) et Nissim (1830-1889), soit la troisième génération, s’installent dans la plaine Monceau où ils aménagent de luxueux hôtels particuliers. Quand Abraham Salomon s’éteint en 1873, ses arrière-petits-enfants, les cousins Isaac (1851-1911) et Moïse (1860-1935) s’éloignent des affaires pour les arts. C’est Isaac, sans descendance, qui léguera en 1911 sa collection de mobilier, tableaux, art asiatique, sculptures du Moyen Âge et de la Renaissance au Musée du Louvre ; l’institution en fera des dépôts successifs dans plusieurs musées nationaux. Cet ensemble éclectique réunit le haut du panier, de la pendule des Trois Grâces de Falconet au Citron de Manet, en passant par Les Repasseuses de Degas ou encore les Joueurs de cartes de Cézanne. De son côté, Moïse se passionne pour le XVIIIe siècle dont il réunit un magistral ensemble dans son hôtel particulier, finalement légué à l’UCAD après la disparition de son fils, Nissim, mort pour la France en 1917. Une générosité à l’égard de l’État français qui ne leur vaudra guère de brevet de reconnaissance pendant les années noires de l’Occupation. Ces dispendieux philanthropes n’ont en effet pas pu imaginer que l’histoire de leur famille s’interromprait si tragiquement. Béatrice, fille de Moise et nièce d’Isaac, épouse Reinach et dernière descendante de la lignée, mourra dans les camps, comme son mari et ses enfants.

LA SPLENDEUR DES CAMONDO
Commissaire : Anne Hélène Hoog, assistée de Virginie Michel
Scénographie : Alain Batifoulier et Simon de Tovar

DE CONSTANTINOPLE À PARIS (1806-1945), LA SPLENDEUR DES CAMONDO, jusqu’au 7 mars, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple, 75003 Paris, lun.-ven. 11h-18h, dim. 10h-18h, mer. jusqu’à 21h, www.mahj.org 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°316 du 8 janvier 2010, avec le titre suivant : La saga des Camondo

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