La redécouverte d’un pionnier du paysage moderne

L’œuvre de Thomas Jones célébré au National Museum and Gallery du pays de Galles, à Cardiff

Le Journal des Arts

Le 13 juin 2003 - 805 mots

A l’occasion du bicentenaire de la mort du paysagiste gallois Thomas Jones (1742-1803), le National Museum and Gallery du pays de Galles, à Cardiff, présente la première exposition monographique jamais consacrée à l’artiste. Révélé au public français par l’exposition “Paysages d’Italie. Les peintres du plein air”? (au Grand Palais, à Paris, d’avril à juillet 2001), le talent de ce pionnier du paysage moderne apparaît ici dans toutes ses composantes.

CARDIFF - Encore méconnu voilà cinquante ans, Thomas Jones fait depuis cette époque l’objet d’un engouement croissant. Tiré de l’oubli grâce à la publication de ses Mémoires en 1951, il passe trois ans plus tard à la postérité avec l’apparition sur le marché anglais d’une cinquantaine d’huiles sur papier, dispersées par Christie’s. Mais la véritable consécration vient en 1970, lorsque ses paysages sont exposés à Marble Hill House à Londres. Du Royaume-Uni, la renommée de Jones gagne progressivement l’Europe et les États-Unis, où ses petites vues italiennes s’arrachent à prix d’or. Figurant aujourd’hui en bonne place dans les musées anglais, l’artiste n’avait cependant jamais encore fait l’objet d’une exposition monographique d’envergure. Une lacune réparée par le National Museum and Gallery of Wales, à Cardiff. Le musée gallois présente, à l’occasion du bicentenaire de la mort du peintre, plus de cent soixante de ses tableaux, dessins, aquarelles et huiles sur papier. Évoquant les principales étapes de sa carrière, le parcours débute, après un intermède mercantile malvenu – cartes postales et produits dérivés sont proposés dès l’entrée –, sur l’environnement familial de l’artiste. Second fils d’un propriétaire terrien gallois, Thomas Jones décide d’abandonner la carrière ecclésiastique à laquelle il était destiné pour celle d’artiste. Après un bref passage dans l’atelier londonien d’Henry Pars, il fait la rencontre du paysagiste Richard Wilson. Dans son sillage, il peint des compositions idéalisées peuplées de figures mythologiques, dans la grande tradition du paysage classique inaugurée au XVIIe siècle par Poussin et Le Lorrain. Certaines remportent un franc succès, à l’image du Paysage avec Didon et Énée, exposé à la Society of Artists en 1769 et acquis par Catherine II vers 1785, ou de La Mort d’Orphée, deux toiles exécutées avec la collaboration de John Mortimer pour les figures. Aux côtés de ces grandes peintures réalisées en atelier prennent place les premiers paysages de plein air de l’artiste. Composées à l’huile sur papier, une technique que Jones perfectionnera lors de son voyage en Italie, ces vues d’après nature de la campagne galloise (à Pencerrig, dans le Radnorshire) contiennent en germe les innovations de la période italienne : simplicité du sujet, qui n’est ni amplifié ni idéalisé, fluidité de la touche, intérêt pour la lumière et le rendu des masses colorées.

La naissance du paysage moderne
Les œuvres produites au cours du séjour dans la Péninsule ne laissent pas de séduire et de surprendre, notamment en raison de la modernité de leur traitement. Bien avant les impressionnistes, à qui les historiens de l’art ont trop systématiquement fait la part belle, de nombreux peintres (au premier rang desquels des Anglais) participèrent à l’évolution du genre du paysage entre 1780 et 1830 : Wright of Derby, Cozens, Hackert, Valenciennes, François Marius Granet, Michallon, Corot… et Jones. Arrivé à Rome en 1776, ce dernier développe un langage original et synthétique, qui trouve son accomplissement dans les vues de Naples. L’exposition réunit les plus importantes d’entre elles. Exécutés aux alentours de 1780, période où l’artiste part chercher à la cour de Ferdinand IV de Bourbon de nouveaux débouchés artistiques, ces petits formats se distinguent par leur absence de sujet, l’audace de leur cadrage et la géométrie épurée de leurs volumes. Pour preuve, Terrasse à Naples près du Castel Nuovo (1782), où Jones n’hésite pas à faire figurer au premier plan un mur taché et des draps séchant au soleil, et surtout Un mur à Naples (1782), qui s’attache à représenter une simple façade dans la lumière aveuglante de l’été. N’ayant pas obtenu à Naples le succès escompté, Thomas Jones décide de rentrer en Angleterre en 1783. Mais là encore, la reconnaissance n’est pas au rendez-vous, malgré plusieurs expositions à la Royal Academy de Londres. “On peut bien dire que ma carrière de peintre est terminée…Tout ce que j’ai fait alors, je ne l’ai fait que pour mon plaisir personnel”, écrit-il dans son journal. De charmantes aquarelles ou huiles sur papier figurant la campagne anglaise ou des paysages d’Italie sont là pour en témoigner. Jones meurt au pays de Galles en 1803, où il était définitivement rentré en 1789.

THOMAS JONES, UN ARTISTE REDÉCOUVERT

Jusqu’au 10 août, National Museum and Gallery du pays de Galles, Parc Cathays, Cardiff, tél. 44 29 2039 7951. Catalogue édité par la Yale University Press. L’exposition sera ensuite présentée à la Whitworth Gallery de Manchester (22 août-26 octobre) et, uniquement dans sa section italienne, à la National Gallery de Londres (12 novembre 2003-15 février 2004).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°173 du 13 juin 2003, avec le titre suivant : La redécouverte d’un pionnier du paysage moderne

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