Au Palais des expositions de Rome

À la redécouverte de Dada

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 avril 1994 - 471 mots

Le dadaïsme n’aurait pas été un mouvement d’avant-garde, mais une tendance qui refusait toute finalité à l’art.

ROME - Dada n’était pas Dada. La première rétrospective ambitieuse du dadaïsme en Italie, qui se tiendra au Palais des expositions du 15 avril au 20 juin prochain sous le parrainage du Centre national de la recherche, nous présente Dada sous un jour nouveau. Il est possible d’avoir une nouvelle lecture de Dada, comme celle de Giovanni Lista, commissaire de cette exposition avec Rosella Siligato et Arturo Schwarz : un libertin plus qu’un libertaire, bien sûr nihiliste, mais surtout désengagé et laïque et ne se singularisant en rien sur le plan artistique. Le dadaïsme n’aurait donc pas été un mouvement mais une tendance ne se considérant pas comme une avant-garde.

Pour éclairer cette thèse en opposition radicale avec celles qui sont couramment exprimées, l’exposition prend le pari de suivre la chronologie : le prédadaïsme (1912-1916), Dada (1916-1923) et le postdadaïsme (1923-1927). L’illustration variée et polycentriste du "vocabulaire" Dada se fera par la présentation de 300 œuvres et documents d’artistes très divers. En effet, à côté des incontournables Arp, Taeuber, Duchamp, Picabia et Man Ray, on verra tous les autres militants de la première heure mais aussi des seconds rôles, parfois même dadaïstes durant quelques années seulement. On trouvera les futuristes Cangiollo, Depero, Baranoff-Rossiné et l’on remarquera la persistance de l’esprit dadaïste dans le parcours personnel d’artistes tels que Farfa, Paladini, Schwitters et Themerson.

"Dada est contre l’avenir"
Pour Giovanni Lista, c’est le "désengagement libertin", caractéristique du dadaïsme, qui a mis en évidence des éléments dadaïstes chez des artistes pourtant très différents les uns des autres. Il ne faudra donc pas s’étonner de la présence de De Pisis qui a étudié les philosophies orientales bien avant qu’elles n’intéressent des dadaïstes plus orthodoxes, tels que Pansaers ou Evola. L’art métaphysique aurait ainsi ouvert la voie au dadaïsme à partir du moment où il a refusé l’activisme exalté et la foi dans l’Histoire en devenir d’un Marinetti, par exemple.

Mais Giovanni Lista va plus loin encore : "Avec sa déclaration de principe : "Dada est contre l’avenir’’, Dada n’a presque rien apporté de nouveau. Le dadaïsme a été l’unique tendance artistique qui ne se soit pas posée en avant-garde. C’est un choix qui refuse toute finalité à l’art, pour la bonne raison que Dada n’admet pas la dialectique hégélienne de l’Histoire." Sous ce jour, Dada serait donc l’héritier légitime des libertins du XVIIe siècle, partisans de "l’esprit libre" ou de la "libre pensée" et souhaitant être émancipés de l’interprétation finaliste de l’homme, de la société et de l’Histoire. Tout concorde en effet : de la pratique créatrice du hasard à la conceptualisation du jeu, en passant par la stratégie démystificatrice, l’Eros fantasmatique et l’emblématisation comportementale, digne du dandy.

Rome, Palais des Expositions, 15 avril - 20 juin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°2 du 1 avril 1994, avec le titre suivant : À la redécouverte de Dada

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