La « réalité » de Mondrian

Un point de vue sur l’exposition de la Tate Gallery

Le Journal des Arts

Le 29 août 1997 - 452 mots

Peintre britannique, aujourd’hui âgée de soixante-six ans, Bridget Riley voue une grande admiration à Mondrian. Appelée à choisir quelques-unes des toiles que présente actuellement la Tate Gallery, elle nous livre son point de vue sur le peintre et sur l’exposition londonienne.

LONDRES. Reconnu comme artiste d’avant-garde dès les années vingt, Mondrian a joui dans les années trente d’une renommée internationale, et entre les années quarante et soixante, l’élite artistique l’admirait plus que Matisse ou Picasso. Pour beaucoup de peintres qui, comme moi, ont grandi pendant cette période, il a été une très grande figure. Par ses recherches et par son œuvre, il a éveillé l’Europe de l’Est comme celle de l’Ouest, et même New York, à des ambitions et des directions artistiques nouvelles. J’ai beaucoup appris de lui, mais j’ai surtout retenu deux choses. Son concept de Réalisme abstrait, d’une part, qui signifiait que pour un peintre, ce qui se passe sur la toile est "réel", la relation entre les lignes et les couleurs qu’il crée constituant sa “réalité”, et ce "réalisme-là" devenant à son tour l’origine d’autres peintures abstraites. D’autre part, ses recherches incessantes lui faisaient continuellement reculer les limites de ce qu’il pouvait accomplir, afin d’approfondir son "réalisme" et parvenir à une maîtrise achevée. Il a si bien conduit cette révision permanente de ses propres prémices qu’à sa mort, il était virtuellement arrivé à un nouveau commencement. L’exposition de la Tate Gallery doit beaucoup à la fermeture pour rénovation du Gemeentemuseum de La Haye, qui possède la collection la plus importante des œuvres de jeunesse de Mondrian. Ce sont ses pièces les plus précieuses et elles sont d’ordinaire jalousement gardées. À cette occasion, et contre toute attente, le musée a  proposé d’en prêter quelques-unes à la Tate Gallery. J’ai été surprise et très honorée d’être invitée à venir les choisir avec Sean Rainbird, le conservateur de la Tate, une sélection que nous avons rapidement effectuée en décembre 1996. Le musée a ainsi la chance de pouvoir disposer d’un ensemble prestigieux, et à un moment propice puisque nous assistons à un regain d’intérêt pour l’Abstraction. L’exposition retrace les principales étapes de l’œuvre de Mondrian, d’une constance et d’une audace remarquables. Elle illustre sa démarche, qui évolue au fur et à mesure qu’il découvre ce qu’il veut accomplir, les nouveaux problèmes qui se posent à lui, et la façon dont il les clarifie et les résoud. Outre leur beauté et la facination qu’exercent les œuvres de Mondrian, l’exposition permet de mieux comprendre les enjeux de la peinture abstraite et pourquoi, à la fin du XXe siècle tout autant qu’à son début, cette peinture constitue un défi permanent.

MONDRIAN, jusqu’au 30 novembre, Tate Gallery, Milbank, Londres, tél. 44 171 887 8000, tlj 10h-17h50.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°42 du 29 août 1997, avec le titre suivant : La « réalité » de Mondrian

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