Art contemporain - Exposition

La possibilité d’une île

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 30 août 2022 - 507 mots

WATTWILLER

La Fondation François Schneider explore à travers les œuvres d’une vingtaine d’artistes le thème de l’insularité, de l’utopie à l’enfermement.

Wattwiller (Haut-Rhin). Une île – « étendue de terre ferme émergée d’une manière durable dans les eaux d’un océan, d’une mer, d’un lac ou d’un cours d’eau ». Comme toujours, la définition du dictionnaire (ici le Robert) est à la fois trop précise et trop pauvre. Les îles, ces fragments épars suspendus au milieu d’un espace indéfini, furent et sont toujours une riche métaphore, une source d’inspiration artistique. La nostalgie qui accompagne L’Embarquement pour Cythère de Watteau ou l’atmosphère de monde trépassé dans L’Île des morts d’Arnold Böcklin en sont les exemples les plus connus.

À l’écart de la société, ce microcosme au riche potentiel narratif se prête aisément à la rêverie, au dépaysement, à la déambulation poétique. Cependant, l’image plaisante de l’île n’est pas sans risque : celui de se transformer en un lieu commun galvaudé, en somme un cliché. Ici, grâce au choix ingénieux effectué par Marie Terrieux, la directrice de la Fondation François Schneider et commissaire, le visiteur navigue entre exotisme et banalité, réalité et imagination, poésie et ironie. L’exposition rassemble les œuvres d’une vingtaine d’artistes que lient entre eux, par-delà la diversité des générations et des pratiques, des espaces désertés, souvent vidés de toute silhouette humaine. Documents ou fictions, installations ou vidéos, sculptures ou assemblages, photos ou peintures proposent des visions inspirées d’un thème qui semble inépuisable.

Isolement volontaire ou forcé

Le parcours s’ouvre sur une œuvre qui suggère plus qu’elle ne montre. L’installation sonore de Philippe Lepeut (C’est du vent, 2015) est d’une sobriété totale. Le spectateur est assis sur un banc dans une petite pièce sombre, éclairée faiblement par une ampoule. Les bruits qui émanent des haut-parleurs, des évocations de vents qui soufflent, offrent une manière subtile de susciter des univers invisibles.

Ailleurs, Le Refuge (2007) de Stéphane Thidet est une démonstration spectaculaire de la notion d’isolement volontaire ou forcé : une cabane en bois, pas vraiment étanche, sommairement meublée et sur laquelle se déversent des pluies torrentielles. Manifestement, ce lieu de rêve qui remonte à notre enfance est en train de prendre l’eau. Ailleurs encore, une remarquable installation d’Olivier Crouzel est composée d’une vidéo devant laquelle l’artiste a posé un tas de sable de ponce (Yali, 2017-2022). Les images présentent un groupe de touristes qui débarquent sur une île grecque, Yali, dont une partie est occupée par une carrière de sable en activité. Autrement dit, le tourisme de masse en quête d’un endroit idyllique face à une réalité concrète nettement moins séduisante. Enfin, ce sont des cartes, ces images du monde inexistant, recyclées, redessinées sur des supports inhabituels, parfois même traduites en signes abstraits (Aurélien Mauplot, Benoît Billotte, Brankica Zilovic). À la sortie, une constellation de coquillages suspendus en un mouvement à peine perceptible –des oscillations délicates, des « papillonnages » subtils et impalpables provoqués par le souffle d’un ventilateur. Cette œuvre de Stéphane Clor (Sans titre, cycle « Imaginary Soundscape », 2016) est une dernière touche de grâce dans un trajet qui n’en manque pas.

Nos îles,
jusqu’au 18 octobre, Fondation François Schneider, 27, rue de la Première-Armée, 68700 Wattwiller.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°593 du 8 juillet 2022, avec le titre suivant : La possibilité d’une île

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