XVIIe

La palette des peintres lombards

Par Suzanne Lemardelé · Le Journal des Arts

Le 2 septembre 2014 - 669 mots

À Ajaccio, le Musée Fesch fait honneur à la peinture lombarde du XVIIe siècle et étend sa démonstration au-delà des « peintres de la peste ».

AJACCIO (CORSE DU SUD) Fort de sa collection riche en peintures italiennes du XVIIe siècle, le Musée Fesch consacre ponctuellement des expositions aux différentes écoles de la péninsule. Après les peintres romains (« Les Cieux en Gloire » en 2002), napolitains (« Les Mystères de Naples » en 2003) et florentins (« Florence au Grand Siècle » en 2011), les artistes lombards sont cette année à l’honneur de la programmation. Il s’agit d’une première en France, l’exposition de référence consacrée à cette école ayant eu lieu en 1973, au Palazzo Reale de Milan.

À Ajaccio, les commissaires ont choisi d’explorer un siècle complet de création, des prémices à l’aube du XVIIIe siècle. Un parti pris qui permet de ne pas se borner à la production la plus connue de cette période, celle des peintres dits « de la peste ». La terrible maladie, qui sévit par deux fois dans la région, ainsi que la ferveur de l’archevêque Charles Borromée impriment en effet à l’œuvre de certains artistes un caractère dramatique et spectaculaire très fort, tant dans le choix des sujets (Saint Roch et les paroissiens de Camasco, Tanzio da Varallo, 1631, pinacothèque de Varallo) que dans leur esthétique. Tableau majeur de l’exposition, le Saint Charles en méditation devant le Christ mort de Giovan Battista Crespi, dit Cerano (v. 1612-1615, Madrid, Musée du Prado) en est un parfait exemple : le visage crispé de l’archevêque récemment canonisé, le corps verdi et ensanglanté du Christ, tout est réuni pour émouvoir le fidèle et susciter la repentance. Quelques très belles toiles de Pier Francesco Mazzucchelli, dit le Morazzone, complètent cette première salle où le pathétisme est partout, jusque dans les thèmes les plus profanes. (Apollon et Marsyas, Luigi Amidani ?, v.1625-1630, Milan, Civiche Raccolte d’Arte del Castello Sforzesco).

La douceur succèdeaux tourments
Face au tableau de Cerano est accroché le Mariage mystique de sainte Catherine de Giulio Cesare Procaccini (v. 1615, Milan, Pinacoteca di Brera). Une opposition très pertinente visuellement et qui résume tout le propos de l’exposition : démontrer que la peinture lombarde ne se limite pas au culte du morbide. Tout dans cette toile respire la vie : l’enfant Jésus, rieur et potelé, les saintes aux joues roses et aux habits chatoyants, le mouvement qui les lie. Influencé par Corrège et Parmesan, Procaccini dévoile dans cette salle l’étendue de son art doux, lumineux, bien loin de l’esthétique de l’espace précédent. Cette veine apaisée et aimable, qu’il partage avec Daniele Crespi et le Maître du Saint Sébastien Monti, l’emporte largement dans la seconde partie du siècle.

Dans les salles suivantes, consacrées au « baroque milanais », plus de martyrs éplorés, de bubons pesteux, ni de Christ souffrant. Les peintres du milieu du XVIIe siècle réalisent de gracieuses scènes bibliques et mythologiques, ou se peignent eux-mêmes, sous leur meilleur jour, comme dans le Portrait de famille des peintres Nuvolone (v.1650, Milan, Pinacoteca di Brera). Carlo Francesco et Giuseppe Nuvolone s’y représentent en grande toilette, immortalisant un concert de chambre auquel prennent part divers membres de leur famille. Le tableau témoigne de l’influence de Van Dyck et de Rubens, tandis que la pose et l’habit des deux frères artistes en disent long sur leur succès et leur statut social. Suivent quelques salles qui présentent les différents sujets prisés à cette époque par les peintres et surtout par leurs commanditaires. On y retrouve notamment Francesco Cairo, dans un registre bien différent de celui qu’il pratiquait au début du siècle. Comme d’autres, l’artiste réalise alors des « têtes échevelées ». Ces représentations de saintes, de sybilles ou de figures allégoriques, sont avant tout de petits portraits de femmes aux traits élégants, bien loin des tableaux magistraux du début de l’exposition. Très complète, la présentation se termine enfin à l’aube du XVIIIe siècle, avec quelques toiles d’Andrea Lanzani et Legnanino.

Peintres Lombards du XVIIe siècle

Commissariat : Francesco Frangi et Alessandro Morandotti

La peinture en Lombardie au XVIIe siècle. La violence des passions et l’idéal de beauté

Jusqu’au 29 septembre. Palais Fesch-Musée des beaux-Arts, 50 rue Fesch, 20000 Ajaccio, tel. 04 95 26 26 26
www.musee-fesch.com
lundi, mercredi et samedi 10h30-18h ; jeudi, vendredi et dimanche 12h-18h, catalogue Silvana Editoriale, 112 pages, 20 €.

Daniele Crespi, David apaise Saul, vers 1625-1626, huile sur toile, 183 x 138,5 cm, collection Koelliker, Milan.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°418 du 5 septembre 2014, avec le titre suivant : La palette des peintres lombards

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