La naissance des Hollando-Belges

Bruxelles, terre promise pour les échanges entre les Pays-Bas et la Belgique

Le Journal des Arts

Le 1 octobre 1995 - 588 mots

Fidèle à leur politique de n’organiser qu’une seule grande (?) exposition par an, les Musées royaux des beaux-arts de Belgique jettent un éclairage sur les relations qui unirent la Belgique aux Pays-Bas au long du XIXe siècle.

BRUXELLES (de notre correspondant) - On saluera l’initiative des Musées royaux, qui offrent à une recherche scientifique de premier ordre la possibilité de devenir exposition. Cette collaboration entre musée et université est sans conteste promise à un avenir.

Le point de vue est intéressant. L’indépendance, conquise aux dépens de la couronne hollandaise, n’a pas pour autant signifié la rupture entre deux pays qui, peu à peu, se retrouveront. L’exposition se concentre sur la colonie néerlan­daise qui s’établit à Bruxelles autour de Willem Roelofs dans les années 1850. Ce dernier exercera ensuite une profonde influence sur les cercles naturalistes hollandais. L’histoire se fait au rythme d’échanges à ce point étroits que nombre d’artistes venus des Pays-Bas seront assimilés à l’École belge.

Le leitmotiv du "tempérament flamand", par lequel les Belges tentent de se distinguer de Paris, favorisa-t-il ce rapprochement ? C’est une des questions auxquelles l’exposition devra sans aucun doute répondre. Il en va de l’histoire culturelle puisque, progressivement, l’histoire des Pays-Bas récupérera ces "Hollando-Belges" pour consacrer en école nationale le Cercle de La Haye, d’où sortiront aussi bien Van Gogh que Mondrian.

Bruxelles à la croisée des chemins
Au tournant des années soixante-dix, Bruxelles a une réputation de terre promise. La prospérité économique, la floraison de cercles artistiques impor­tants font de la capitale belge un carrefour essentiel vers lequel chaque pays d’Europe converge. Cette situation tranche avec le provincialisme qui domine alors la vie culturelle aux Pays-Bas. L’activité intellectuelle bruxelloise va naturellement attirer les jeunes artistes hollandais en quête de nouveauté.

Avec les "XX" (1884-1893) et "La Libre Esthétique" (1894-1914), les mouve­ments révolutionnaires qui naissent à Paris trouvent leur caisse de résonance. La personnalité de Jan Toorop apparaît dominante. Le rythme frénétique auquel les innovations se succèdent jette un jour neuf sur l’éclectisme d’un Toorop, qui va du Naturalisme au Symbolisme en passant par l’Impressionnisme ou le Divisionnisme. L’artiste essaie tout ce qu’il voit à Bruxelles, répondant aussi bien à l’ascendant d’Ensor qu’aux sollicitations des idéalistes ou aux schémas lumineux de Seurat.

L’exposition présentée aux Musées royaux retrace ces échanges entre Belgique et Pays-Bas, en replaçant dans son contexte la production de cette colonie néerlandaise.

S’agit-il d’écrire l’histoire de la peinture hollandaise en Belgique ou de prendre la mesure de l’aile néerlandaise de la modernité belge ? C’est en ces termes que le commissaire de l’exposition, Saskia de Bodt, chargée de cours à l’université d’Utrecht et spécialiste de la question, situe l’enjeu de ses recherches. Si les échanges incessants qui caractérisent l’époque ont créé un front uni de l’avant-garde européenne, la critique contemporaine a très rapidement réécrit cette histoire en termes natio­nalistes.

Ainsi, aux Pays-Bas, l’œuvre des frères Oyens a-t-elle rapidement été reléguée pour cause de belgitude affirmée. L’occasion est donnée aujour­d’hui de retrouver ces peintres dans leur ensemble. Entourés des artistes belges qui les ont influencés, ces "Hollando-Belges" témoignent d’une ouverture à la modernité dont ils se feront le relais pour le monde nordique. On regrettera ainsi que l’exposition se limite à deux pays seulement, car l’évolution de la peinture hollandaise a favorisé la pénétration des idées modernes jusqu’en Scandinavie.

Bruxelles, colonie d’artistes. Peintres hollandais 1850-1890, Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, du 6 octobre au 10 décembre ; ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 10h à 13h et de 14h à 17h ; catalogue publié par le Crédit communal.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°18 du 1 octobre 1995, avec le titre suivant : La naissance des Hollando-Belges

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