Francisco Ruiz de Infante à Ivry

La mémoire à vif

Le Journal des Arts

Le 1 mai 1994 - 403 mots

Francisco Ruiz de Infante est le lauréat de la 9ème Bourse d’art monumental d’Ivry. Il devra donc, dans les deux ans à venir, soumettre deux projets à la Ville, qui en choisira un. Pour l’heure et en guise d’introduction, le Centre d’art lui consacre une exposition.

IVRY - Le CREDAC présente Les Frères de Pinocchio, une installation vidéo d’un jeune artiste espagnol, Francisco Ruiz de Infante, âgé de 28 ans et vivant à Paris depuis 1991.

Articulée en deux temps, son installation dématérialise nos repères. Traversant un praticable d’une chaise à une autre, vous vous trouvez bientôt comme elles, cherchant vos appuis, dans un espace inversé, comme si ici les combles, lieu de mémoire, s’étaient retournés pour devenir le sol, la base. La deuxième salle baigne dans une lumière laiteuse. Des chaises paillées sont dispersées dans l’espace, retenues du plafond par des cordes blanches. Elles pourraient, comme ces deux tables, ces deux chaises et cette armoire au milieu de la pièce, blancs, quitter le sol. Les objets paraissent donc impondérables ; les murs même sont incertains, les images vidéo vacillantes. Ici, un enfant dont le visage est continuellement traversé de "barres de bruit", mais silencieux, tournant inlassablement sur lui-même. L’inscription Mens-moi vient graduellement s’y perdre, puis réapparaître. Là, l’image voilée d’un adulte qui essaye en vain de prendre un départ avant de retomber, dans une lutte incessante contre le vent, vidéo toujours silencieuse.

Toutes ces chaises sont donc une invite à imaginer le dialogue improbable que Ruiz de Infante entretient avec le monde adulte, dans une sorte d’amnésie, et par la méthode douce. Le livre qui accompagne l’exposition propose d’autres "images", que l’artiste écrit ou transcrit. S’y croisent, comme dans cette installation, ses affects personnels par le biais de courts extraits, d’amorces de récits, pages très sensibles de son histoire, ouvertes à ses frères potentiels, comme vous ou moi si vous prenez place sur ces chaises. Il y justifie aussi le caractère parfois grandiloquent de certaines propositions, qui n’hésitent pas à faire vibrer la corde sensible : «Mon travail plastique (de même que mes textes) participe chaque fois d’une théâtralité recherchée comme arme pour être honnête dans la représentation des réalités qui me nourrissent ».

Francisco Ruiz de Infante, Les Frères de Pinocchio, jusqu’au 15 mai 1994, Centre d’art d’Ivry - Galerie Fernand Léger, 93, av. Georges-Gosnat 94200 Ivry-sur-Seine, Tél. 49 60 25 06, Métro : Mairie d’Ivry Catalogue (80 p.), 40 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°3 du 1 mai 1994, avec le titre suivant : La mémoire à vif

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