Design

La Grèce rêvée d’Hubert le Gall

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 28 avril 2021 - 541 mots

Le designer scénographe renouvelle son inspiration au contact de la Villa Kérylos, folie à la gloire de la Grèce antique qu’il investit pour l’été.

Beaulieu-sur-Mer. Dans les Alpes-Maritimes, la villa Kérylos, ornée de mosaïques et de fresques à la gloire des dieux et des héros de la mythologie hellénique, mime face à la Méditerranée le style d’une demeure de l’Antiquité, toute en stucs et marbre de Carrare. Il y a 35 ans, lorsqu’Hubert le Gall la visite, ébloui, il est loin de s’imaginer qu’il pourrait un jour l’investir le temps d’une exposition, ni qu’il aurait dans l’intervalle appris à parler grec, par passion pour les Cyclades où il dit avoir trouvé, davantage qu’une villégiature, « un ancrage ». En 2019, le Centre des monuments nationaux lui propose d’animer un lieu patrimonial pour l’été, et c’est à cette construction exceptionnelle qu’il pense immédiatement, un défi digne de ses talents de créateur et de scénographe. Cet artiste designer – on ne sait exactement comment le qualifier – est en effet connu pour son sens de l’espace, qu’il s’agisse de mettre en scène une exposition ou d’investir de ses propres créations musées ou châteaux historiques, avec une prédilection pour les intérieurs du XVIIIe siècle. Et un penchant avéré pour la facétie poétique : chez Hubert le Gall, des lapins malins portent des candélabres en bronze, des Pinocchio dorés à la feuille se cachent sous les consoles et il arrive qu’un chiffonnier ventru se prenne pour un igloo d’inox poli.

Le bestiaire de Le Gall

L’exercice, cette fois-ci, est inédit pour le créateur dont l’intervention, du péristyle aux appartements privés, révèle, sous le sérieux apparent, l’extravagance de cette construction Belle Époque qui flirte ouvertement avec le pastiche. Hubert le Gall a abordé ce projet en concevant d’abord « quelques pièces fortes » : ainsi de la banquette Pasiphaé, tapissée d’une broderie de Lesage aux dessins géométriques qui en épouse impeccablement la convexité et dont l’envers évoque la silhouette stylisée d’une vache consentante… Une allusion au stratagème de Dédale pour favoriser l’accouplement de la reine avec son amant taurin et clin d’œil en motif à Pablo Picasso, Hubert le Gal s’amuse. C’est d’ailleurs avec la partie « meublante » de ses sculptures qu’il convainc le mieux. Chaise Pénélope au dossier d’arabesques légères ; secrétaire Pégase en bronze gainé de cuir au profil d’équidé ; bureau Virgile révélant une chèvre broutant des feuilles d’acanthe… Le Gall emprunte son vocabulaire décoratif au mobilier classique tout en laissant libre cours à son imagination. « Je me raconte des histoires pour trouver des formes », résume-t-il en assumant le mélange iconoclaste de ses références.

En guise de meubles de jardin, trois sièges aux dossiers incurvés que relie, tel un ruban, une frise littéraire soulignent une inspiration puisée du côté de William Morris, référence incontournable de l’Art nouveau. Hubert le Gall aime aussi explorer la ligne de crête « entre le tragique et le comique », comme avec Pandora, d’après le moulage de Pompéi de la dépouille d’un chien, dont la posture hésite entre la douleur et l’extase, tenant ici entre ses pattes à la façon d’une balle un coffret à bijoux sphérique. Autant de pièces – une trentaine, éditées en huit exemplaires – à découvrir in situ ou à la rentrée, dans l’exposition que leur consacrera la galerie parisienne Avant-Scène.

Hubert le Gall, une fantaisie grecque,
initialement jusqu’au 26 septembre, Villa Kérylos, impasse Gustave-Eiffel, 06310 Beaulieu-sur-Mer.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°566 du 30 avril 2021, avec le titre suivant : La Grèce rêvée d’Hubert le Gall

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