La frise de Télèphe revue et corrigée

Une partie de l’autel de Pergame à San Francisco

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1995 - 765 mots

Une partie des frises de l’autel de Pergame – l’une des œuvres majeures de la Grèce hellénistique, conservée au Pergamon Museum de Berlin – est actuellement exposée à San Francisco, au Musée De Young. Mais la Turquie réclame le retour de ces antiquités, prétendant qu’elles ont été illégalement exhumées, et emportées frauduleusement à Berlin au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.

SAN FRANCISCO - Depuis l’ouverture du bâtiment, en 1930, l’autel de Pergame est la pièce maîtresse du Pergamon Museum, dans l’île des musées de Berlin. Il avait été démonté pendant la Seconde Guerre mondiale et entreposé avec d’autres œuvres d’art dans la Flakturm, pour échapper aux destructions. Saisi par les Soviétiques en juin 1945, et conservé au Musée Pouchkine à Moscou en compensation des dommages artistiques infligés à l’Union soviétique par l’Allemagne, l’autel n’est revenu à Berlin qu’en 1957.

Pendant la dernière décennie, des travaux ont remis en question l’exactitude du remontage de certaines parties de cette structure de marbre, datée de 164-156 av. J.-C, et une partie du projet de restauration et de réagencement de la frise de Télèphe, qui provient de l’intérieur de l’autel consacré à Zeus, est actuellement exposée au De Young Memorial Museum, à San Francisco (lire encadré).

Ce prêt de douze des grandes orthostates (les plaques qui constituent le mur), et de quelques fragments de la Gigantomachie qui orne l’autel de Pergame, a été consenti en échange de la contribution du De Young aux coûts de la restauration de la frise de Télèphe.

Une nouvelle restauration capitale
Si la Gigantomachie de l’autel de Pergame, le combat des Dieux et des Géants, constitue, après les frises du Parthénon, le plus long relief continu du monde grec, la frise de Télèphe, qui représente la fondation de la cité de Pergame par le fils d’Héraclès, est l’un des premiers exemples de narration figurée dans l’art ancien.

C’est la première fois, depuis 1930, que des orthostates ont été démontées de leur support et examinées. En regardant le revers et les côtés des dalles de marbre, il a été possible de déterminer la façon dont elles étaient montées à l’origine, et le Musée De Young propose actuellement la nouvelle présentation de la séquence narrative. De plus, des archéologues et des historiens de l’art travaillent à Pergame, en Turquie, où l’autel de Zeus a été découvert, afin d’établir les dimensions exactes de l’autel et du téménos où il se dressait.

Les fragments sculptés et architecturaux restés sur le site ont fourni des éléments sur la façon dont les plaques berlinoises se rattachaient entre elles. Au nombre des énigmes, la présence de mar­ques sur les dalles de couverture de la colonnade, qui suggère l’implantation de statues sans révéler clairement leur mode d’attache : ni les plinthes, ni les figures conservées à Berlin ne portent en effet de trace de goujon ou de tenon.

La Turquie veut récupérer son patrimoine
Mais aujourd’hui, la Turquie réclame le retour de ces antiquités, prétendant qu’elles ont été illégalement exhumées par l’ingénieur Karl Humann et emportées frauduleusement à Berlin entre 1868 et 1878. Selon un article d’Archæology (mars/ avril 1995), le maire de Pergame aurait déjà recueilli quinze millions de signatures en faveur d’une pétition réclamant la restitution des antiquités de “sa” ville. La ville de Pergame avait été fouillée par les archéologues allemands au siècle dernier.

Le grand autel de Zeus, avec tous les fragments de sculpture, avait été acquis auprès du gouvernement ottoman, puis démonté et emporté à Berlin. Au fil du temps, la Turquie se montre de plus en plus désireuse de récupérer son patrimoine archéologique parti à l’étranger : on se rappelle l’affaire du trésor monétaire lydien, qui l’avait opposée au Metro­politan Museum en 1993.

Le De Young devrait être reconstruit d’ici quatre ans

Le De Young Memorial Museum, constamment agrandi de 1917 à 1965 sur le Golden Gate Park, est la plus ancienne institution artistique de la ville. Il célèbre son centenaire avec l’annonce d’un plan de démolition. Un travail déjà bien avancé par le tremblement de terre de 1989, qui a nécessité la pose de contreforts d’acier pour assujettir la façade de l’édifice. Plutôt que de dépenser 60 millions de dollars (300 millions de francs) pour mettre ce bâtiment instable aux normes antisismiques, le conseil d’administration a décidé de le raser et d’en construire un nouveau. Le futur édifice aura une superficie équivalente à l’ancien, soit 27 000 m2. Le projet est évalué à 97 millions de dollars (500 millions de francs), et la construction ne devrait pas commencer avant quatre ans. Le temps pour le Musée asiatique voisin de se redéployer dans le Civic Center.

LA FRISE DE TÉLÈPHE, Musée De Young, San Francisco, jusqu’au 8 septembre

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : La frise de Télèphe revue et corrigée

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque