Art contemporain

La fraîcheur intemporelle de Giorgio Griffa

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 17 mars 2021 - 540 mots

Le LaM offre de découvrir les grandes peintures sur toile libre et les dessins de cet artiste italien dont les œuvres, calligraphies légères dans l’espace, ont été jusqu’ici très peu montrées en France.

Villeneuve-d’Ascq (Nord). En cette période particulière où les transports et les passages de frontières peuvent se révéler compliqués, l’acheminement des œuvres de Giorgio Griffa (né en 1936) s’est fait « à l’ancienne », convoyées en voiture de Turin à Villeneuve-d’Ascq par le fils de l’artiste, dans des caisses où elles étaient soigneusement pliées, raconte Sébastien Delot, le directeur conservateur du LaM. La marque des plis est encore visible dans la trame légèrement transparente des toiles brunes, de lin ou de jute utilisées par le peintre, qui a depuis toujours fait le choix de les laisser libres. Travaillées à plat, pour éviter que la couleur, généralement très liquide, ne coule, ce sont souvent des toiles de très grande dimension sur lesquelles il se voit contraint de marcher ; cela serait impossible avec un châssis, explique-t-il dans un texte cité dans le catalogue.

Le choix de l’inachèvement

Traits, lignes, points, parfois quelques mots, des chiffres…, la peinture de Giorgio Griffa, non figurative, obéit à une calligraphie simple, joyeuse aussi, avec ses teintes douces et claires imprégnant le tissu, qui la plupart du temps donne le sentiment d’un geste suspendu avant de conclure. « Je ne considère pas la toile comme un espace complet et définitif […], il ne serait pas concevable d’envisager son organisation de manière achevée »,écrit-il. Est-ce ce parti pris d’inachèvement qui a dérouté la critique ? Après des débuts fulgurants durant les décennies 1960-1970, Giorgio Griffa, soutenu par les galeries Templon (Paris), Sonnabend (New York) ou encore Konrad Fischer (Düsseldorf), exposé à la Biennale de Venise de 1978, est en effet retombé dans un relatif anonymat. À Turin, une ville qui a inspiré et accueilli de nombreux artistes, berceau de l’Arte povera dont il s’est toujours senti proche, il exerce comme avocat, tout en poursuivant, à l’écart, ses recherches picturales.

On redécouvre aujourd’hui son travail de peintre, et de dessinateur. Le LaM a acquis une grande toile, intitulée Veneziana (1982, [voir ill.]), et s’apprête à accueillir un don important de l’artiste – seul ensemble présent à ce jour dans une institution française. Toujours très actif à 85 ans, féru de musique – Bach en particulier –, passionné par les mathématiques, la théorie du nombre d’or, les rituels chamaniques, Griffa est aussi nourri de littérature, ce qui transparaît parfois dans son œuvre. Ainsi de la toile Undermilkwood (Dylan Thomas), 2019, inspirée par la pièce radiophonique du poète gallois et où se perçoit également l’influence de Matisse, dont Griffa aime particulièrement les papiers découpés. Juxtaposition dansante d’étoffes pâles de tarlatane, cette composition évoque la cartographie d’un monde invisible qui ignore la perspective tout en poursuivant une poétique du fragment. Celle-ci se retrouve, quarante ans auparavant, dans U.NA L.I.N.E.A, où des toiles se chevauchant sont réunies par un seul trait de pinceau, dans une évidence réduite à ses moyens d’expression les plus simples : le support et la peinture. Le geste, et le regard. Si le parcours de l’exposition ne s’attache à aucune chronologie, c’est que l’œuvre elle-même procède par cycles. Et on le voit, elle ne cesse de se régénérer, toujours vive.

Giorgio Griffa, Merveilles de l’inconnu,
jusqu’au 28 novembre, LaM,1, allée du Musée, 59650 Villeneuve-d’Ascq.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°563 du 19 mars 2021, avec le titre suivant : La fraîcheur intemporelle de Giorgio Griffa

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