La plateforme artistique renouvelle son Prix avec l’exposition collective « Sorry Sun », mettant en avant trois artistes émergents.
Paris. Le lancement, en cette rentrée 2025, de son « Nouveau Programme » est l’occasion pour la Fondation d’entreprise Pernod Ricard de faire évoluer son prix, créé en 1999, tout en rappelant les fondamentaux de son soutien à la scène française. Changement de dispositif donc, pour tourner le dos à l’esprit de mise en compétition qui n’a pas la cote auprès d’une génération plus encline aux projets collaboratifs. Les retombées médiatiques de cette distinction, au-delà de l’effet d’annonce, étaient par ailleurs sans doute discutables. L’enveloppe globale allouée reste la même (environ 60 000 €), et le principe d’une exposition collective demeure, mais recentrée sur trois artistes qui bénéficient d’un accompagnement personnalisé, notamment pour développer un projet « sur mesure », production ou résidence, en partenariat avec des institutions – en France ou à l’étranger.
L’accent est toujours mis sur l’émergence, définie non par l’appartenance à une classe d’âge, mais par un manque de visibilité du travail de l’artiste, en particulier dans l’Hexagone. La fondation confie à un commissaire invité le soin de choisir et de réunir les heureux élus. Directrice depuis juillet dernier du département curatorial du KW Institute for Contemporary Art à Berlin, Liberty Adrien, curatrice et critique d’art qui siège au comité de rédaction de TextWork, plate-forme éditoriale en ligne de la Fondation Ricard, pilote cette édition. Elle est également codirectrice du Portikus à Francfort, où elle a travaillé sur des expositions monographiques d’Adrian Piper (2024), Philippe Thomas (2024), Simone Fattal (2023) et Lap-See Lam (2023), ainsi que sur des expositions collectives mettant en vedette Thomas Bayrle, Ayse Erkmen, Slavs and Tatars, Derek Jarman, Sarah Maldoror et Cecilia Vicuña, entre autres. Elle explique avoir souhaité « présenter des pratiques moins connues » en veillant à trouver des personnalités susceptibles de s’entendre dans cette exposition au titre, volontairement ambigu, de « Sorry Sun ».
Le parcours commence avec la série Triple Insert d’Alexandre Khondji (né en 1993). Celui-ci place le vide au centre et ausculte l’architecture de la fondation grâce à des caméras endoscopiques, dont les images apparaissent sur les écrans de trois moniteurs encastrés dans les murs. L’esthétique minimale de cette création conceptuelle in situ crée un effet de sas, tandis que dans la deuxième salle, les sculptures éclairées d’Hélène Yamba-Guimbi (née en 1993), disposées au sol, dialoguent avec les trains de la gare Saint-Lazare visible en contrebas, dans un rapport d’échelle ludique et déconcertant. Il faut s’approcher pour distinguer les photos, prises à Los Angeles, d’espaces urbains désaffectés, insérées telles des miniatures dans ces caissons transparents. Dans la troisième salle est projeté le film 18 000 mondes de Saodat Ismailova (née en 1981), cinéaste et artiste visuelle, entremêlant dans une narration onirique des images d’archives et d’autres tournées en Asie centrale, d’où elle est originaire. Cette exposition courte affirme sans didactisme un ton et les contours d’un art, nourri de théorie, de recherche critique comme de récits populaires, à l’écoute du monde.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°662 du 3 octobre 2025, avec le titre suivant : La Fondation Pernod Ricard parie sur l’inédit





