Art contemporain

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La cabane sous toutes ses formes

NAMUR / BELGIQUE

À Namur, l’espace culturel le Delta explore les thématiques ambivalentes de la cabane.

Namur (Belgique). À peu près tout le monde a une cabane quelque part. Au fond d’un bois, d’un jardin ou au fond de la tête. Le thème est suffisamment universel pour parler à un large public et inspirer de nombreux artistes contemporains. Sa forme n’est pas prédéfinie, elle est liée aux matériaux et à l’imagination à disposition. Modeste et fragile, elle est forte, aussi, parce qu’elle offre un refuge à l’abri du monde extérieur. Il n’y a pas une manière de représenter, de fantasmer la cabane. L’exposition que propose le Delta, espace culturel de la capitale wallonne, explore les reflets de différents prismes que renvoie la thématique de la cabane à travers des peintures, photographies, vidéos, sculptures et installations d’une vingtaine d’artistes.

Les souvenirs d’enfance qui transforment la cabane en un inaccessible château miniature s’impriment dans la mémoire comme un film un peu granuleux, semble nous dire Jacqueline Mesmaeker qui, dans une de ses dernières œuvres, a associé une courte séquence filmée burlesque avec des cascades de mots librement associés à la cabane.

Ryan Gander prend le contrepied du caractère fragile et éphémère de la construction avec I is… (IX), 2014, une sculpture en marbre de la cabane assemblée par sa fille de trois ans à partir d’éléments de mobiliers de la maison. Avec sa série « Frantic », Joanna Piotrowska a réalisé des portraits d’adultes à qui elle a demandé de revivre une expérience d’enfance en construisant dans leur salon un abri temporaire à partir d’éléments de mobilier disponibles sur place pour, au final, en faire ressortir l’anxiété et l’inconfort.

Thoreau, Wittgenstein ou Heidegger, nombreux sont les philosophes pour qui une cabane isolée est devenue une « machine à penser ». Des artistes se sont à leur tour emparés de ces refuges historiques pour en dresser des métaphores visuelles. James Benning a approché l’épaisseur du temps avec deux plans séquence contemplatifs d’une réplique de la cabane du philosophe américain, tandis que Sophie Nys porte un regard ironique sur le siège le plus trivial qui soit pour questionner l’adhésion du philosophe allemand à l’idéologie national-socialiste.

La cabane comme refuge mental peut contenir un paysage, avance Christian Fogarolli dans l’énigmatique installation The value of Absence, 2019, réalisée pour le Musée Dr. Ghislain à Gand qui se consacre à l’histoire des soins en santé mentale.

Dans le monde où nous vivons, la cabane est aussi un abri de fortune qui attire le regard des artistes. Que ce soit assemblages en matériaux de fortune des migrants de « la jungle de Calais » (Jean Revillard), « Les sacs de couchage » d’émigrés afghans dans les parcs parisiens (Mathieu Pernot) ou les poétiques constructions des activistes de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Philippe Graton).

Dans un effort salutaire de médiation, chaque œuvre est accompagnée d’une petite fiche de présentation à emporter. Il faut aussi pointer le catalogue modeste mais richement pourvu en textes et images qui dépassent les œuvres exposées pour explorer les infinis recoins de la cabane.

Cabane,
jusqu’au 20 juillet, Le Delta, avenue Fernand-Golenvaux, Namur, Belgique.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°656 du 23 mai 2025, avec le titre suivant : La cabane sous toutes ses formes

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