La balade d’Ugo Rondinone

L’artiste suisse dévoile à Paris une œuvre produite par le Centre Pompidou

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 21 mars 2003 - 570 mots

Deux expositions à Paris, au Centre Pompidou et à la galerie Almine Rech, permettent de découvrir de nouvelles pièces du Suisse Ugo Rondinone et de se plonger dans son univers envoûtant. L’artiste se plaît en effet à concevoir des œuvres totales qui emportent le visiteur dans son imaginaire.

PARIS - Le Front de Seine, à Paris, haut lieu de l’architecture pompidolienne, n’a jamais autant attiré les artistes. Après Pierre Huyghe et sa triple projection L’Ellipse (1998), c’est au tour d’Ugo Rondinone de proposer une déambulation au pied des immeubles du quartier de Beaugrenelle. L’œuvre du Suisse met en scène au Centre Pompidou, à travers un dispositif hexagonal accueillant six projections vidéo, la balade de deux personnages, une femme et un homme. “Cette marche labyrinthique et sans but des personnages du film”, comme l’a qualifiée lui-même l’artiste lors de la discussion organisée le 5 mars à l’Espace Paul-Ricard par Catherine Francblin dans le cadre des “Entretiens sur l’art”, est accompagnée d’une musique répétitive, lancinante, fascinante, entêtante. Le visiteur suit ainsi le cheminement de ces deux personnages aux regards perdus dans le vide, parcours parallèles dans un lieu unique qui, in fine, ne mèneront pas à la rencontre de la femme et de l’homme... Dans la logique qui sous-tend son travail depuis quelques années, le Suisse offre ici encore une proposition d’espaces et d’atmosphères particulièrement bien maîtrisés. À travers un vagabondage qui trouve en lui-même son seul fondement, l’installation de Rondinone transporte littéralement le visiteur dans l’imaginaire de son auteur, monde tout à la fois empreint de nostalgie et de romantisme. L’installation, une commande spéciale du Centre Georges-Pompidou, encercle en effet le visiteur à l’aide d’un système de multiprojection  et joue sur des effets de répétition, de gros plan, de ralenti qui éloignent la manière de l’artiste du cinéma et le rapproche du clip. Il se détourne de toute narration – on ne sait rien des protagonistes – pour mieux travailler les atmosphères et les interactions entre le son et l’image. Ici prime l’impression, l’appréhension instinctive que peut éprouver le spectateur devant deux personnages déambulant sans raison apparente. Rondinone réussit ainsi, à partir de la vidéo, un médium qui enregistre le réel, à parvenir au même effet hypnotique que celui que procurent ces cibles abstraites, dont l’une d’elles est présentée sur la cloison extérieure de son espace d’exposition du Centre.
Les propositions de l’artiste à la galerie Almine Rech jouent sur des notions différentes. Certes, le son est toujours présent, diffusé par des haut-parleurs installés dans les œuvres. Mais si le dispositif du Centre Pompidou peut rappeler celui de certaines pièces de Bruce Nauman, l’installation fait ici référence à une esthétique proche de celle de l’art minimal. Le visiteur est accueilli à l’entrée par un grand “X” recouvert de peinture laquée noire, tandis que se déploie dans le fond de la galerie une grande structure scandée par quelques discrets dessins humoristiques. Sur les murs, Rondinone a accroché d’étonnants masques africains. Peut-être s’agit-il là de convoquer de nouvelles forces envoûtantes déjà si présentes dans le corpus de l’artiste ?

UGO RONDINONE, ROUNDELAY

Jusqu’au 28 avril, Centre Pompidou, galerie 3, niveau 6, Paris, tél. 01 44 78 12 33, tlj sauf mardi 11h-21h, affiche/dépliant, 11 euros ; et aussi jusqu’au 19 avril, galerie Almine Rech, 127 rue du Chevaleret, 75013 Paris, tél. 01 45 83 71 90. Parallèlement, le Bureau des vidéos édite un DVD d’Ugo Rondinone, 300 euros (tél. 01 48 24 97 28).

Ugo Rondinone en cinq dates

1964 Naissance à Brunnen, en Suisse 1990 Diplômé de la Hochschule für Angewandte Kunst ; Vienne 1996 Représente la Suisse à la Biennale de São Paulo, Brésil 2001 Exposition personnelle au P.S. 1, à New York 2003 Double exposition à Paris au Centre Pompidou et à la galerie Almine Rech

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°167 du 21 mars 2003, avec le titre suivant : La balade d’Ugo Rondinone

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