Klossowski, un dessin sensuel et sulfureux

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 septembre 2004 - 409 mots

À mi-temps entre Béziers et Valras-Plage, la petite commune de Sérignan, implantée à cheval sur l’Orb, peut s’enorgueillir de faire la part belle à l’art contemporain. Non seulement voilà déjà plus de douze ans qu’elle en a fait le pari en instituant un espace dévolu tout exprès à la création la plus vive mais elle s’est offert il y a deux ans la complicité du talent de Daniel Buren lors de la construction par Nicolas C. Guillot de la salle de spectacles intitulée La Cigalière. De jour comme de nuit, il faut voir tout à la fois et le bâtiment de l’architecte et l’œuvre de l’artiste, une réussite totale fondée sur la figure d’un rayonnement de lignes et de lumières. Commande publique, exposition, collection municipale, mais qui donc est coupable de tout cet art contemporain ? Le maire tout simplement, André Gélis, un amateur d’art éclairé, président par ailleurs du Frac Languedoc-Roussillon et, qui plus est, responsable de la programmation de l’espace Gustave Fayet. Si l’on peut discuter une telle mainmise, force est de reconnaître qu’il n’y a pas de quoi se plaindre d’autant que ses choix ne sont pas toujours faciles. À preuve, l’exposition qu’il a imaginée d’œuvres sur papier de Klossowski. Né en 1905, mort en 2001, Pierre Klossowski, frère aîné de trois ans du peintre Balthus, était tout à la fois écrivain, traducteur, commentateur de Nietzsche et dessinateur. L’œuvre graphique qu’il a laissée, entamée seulement à la fin des années 1960, est d’une singulière étrangeté. Lié à toute l’avant-garde littéraire et philosophique du xxe siècle, Klossowski était passionné de Sade et de théologie. Sur les grandes feuilles de papier à dessin qu’il employait, usant tout d’abord de la mine de plomb puis de crayons de couleur, il a mis au monde toute une population de figures érotiques récurrentes dont celle de Roberte, inspirée de son épouse, héroïne d’une fable sensuelle et sulfureuse. Obsessions, fantasmes et désirs sont l’ordinaire d’une œuvre qui croise le mythologique, le religieux et le symbolique sans frein ni retenue et qui joue la sexualité et le rapport aux autres dans des saynètes se refusant toute censure.
Figure centrale d’une humaine dramaturgie, le corps qui est à l’œuvre chez Klossowski, façon Ingres, Courbet ou Chassériau, affirme l’érotisme comme une possible « interprétation tout intellectuelle de l’existence » (G. Durozoi).

« Pierre Klossowski », SÉRIGNAN (34), espace d’art contemporain Gustave Fayet, 146 avenue de la Plage, tél. 04 67 32 33 05, 4 juillet-20 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°561 du 1 septembre 2004, avec le titre suivant : Klossowski, un dessin sensuel et sulfureux

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