Kelley Walker, entre l’art et les images

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 4 décembre 2007 - 379 mots

Enfant spirituel d’Andy Warhol et de Cady Noland, le jeune artiste américain Kelley Walker, que Le Magasin de Grenoble expose actuellement, use toujours du même ressort, la récupération.

Il l’assume au point même de la mettre en abîme en découpant dans ses grands tondos la forme d’une flèche symbolisant le recyclage. Appropriation et superposition se donnent la main dans un travail qui épuise l’image jusqu’à la vider de son sens. Que reste-t-il de la chanteuse Whitney Houston, dont le visage se démultiplie sur les panneaux ? La star fétichisée devient banale, son reflet s’use comme dans les mauvaises photocopies.

À grands coups de collisions et d’escamotage, de giclées de dentifrice et de coulures de chocolat sérigraphiées, Walker essore aussi les clichés d’une catastrophe aérienne ou d’émeutes raciales des années 1960. Il en découle un sentiment de trouble, de chaos et de non-sens. Prétend-il dénoncer les manipulations de la presse en retournant l’image avec le logiciel Photoshop ? Ou notre manière passive et bécasse d’avaler les flux comme d’autres les somnifères ? En multipliant les couches, Walker gave et endort notre rétine.

Il détourne les images mais aussi les objets. Les facettes de sa boule disco sont remplacées par des carrés opaques de chocolat. Comme si cet emblème des cabarets ou discothèques faisait le deuil d’une époque de légèreté. D’une ère utopique où l’on se plaisait à rêver d’un monde nouveau, où l’esprit créatif était gonflé de sève. On se surprend presque à trouver de la mélancolie dans ce travail, symbolique d’une impasse, d’un jeu tournant à vide.

« Sommes-nous arrivés dans l’histoire de la fabrication des images et des objets, à ce point où il leur serait devenu inévitable d’avoir une relation directe ou tout au moins indirecte à l’idée de l’échec ? », s’interroge très justement Bob Nickas dans le catalogue de l’exposition. « Les œuvres de Walker avouent leur place dans et entre le monde des images et le monde de l’art, rappelle pour sa part Scott Rothkopf dans le catalogue. Nous pourrions souhaiter un monde différent ou espérer une sortie de secours, mais il est probablement trop tard maintenant pour en trouver une. » Tout est dit.

« Kelley Walker »

Le Magasin, site Bouchayer-Viallet, 155, cours Berriat, Grenoble (38), tél. 04 76 21 95 84, www.magasin-cnac.org, jusqu’au 6 janvier 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°597 du 1 décembre 2007, avec le titre suivant : Kelley Walker, entre l’art et les images

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