Art contemporain

Kader Attia revient sur ses racines

Par Cédric Aurelle · Le Journal des Arts

Le 16 mai 2018 - 552 mots

VITRY-SUR-SEINE

Invité par le Mac/Val, l’artiste offre un projet décevant où le geste plastique apparaît coupé de sa part sociale.

Kader Attia
Kader Attia
Photo Sam Mertens

Vitry-sur-Seine. Après avoir réalisé un nombre impressionnant d’expositions à l’étranger, Kader Attia est invité à concevoir sa première monographie dans une institution française depuis plusieurs années. Que celle-ci ait lieu au Mac/Val à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) est essentiel. Elle veut faire résonner au musée l’histoire portée par l’artiste né de parents algériens et ayant grandi en banlieue parisienne, en créant les conditions de sa rencontre avec le public. Et cela d’autant mieux qu’en venant au Mac/Val, « c’est comme si je rentrais à la maison », dit l’artiste lui-même.

Traversée du désert

Intitulé « Les racines poussent aussi dans le béton », le projet entend rappeler la manière dont l’architecture informe les corps comme les psychés. Pour cela, Attia propose un long labyrinthe à angles droits. Ce décor enfermant fait écho à l’esthétique moderniste abâtardie dans ses déclinaisons des années 1960 et 1970, notamment dans les banlieues françaises. Le corps contraint du visiteur s’y déplace à sens unique. Le premier segment présente une dizaine de collages, une structure métallique à la fois maquette d’immeuble moderniste et cage de prison, ainsi que des extraits de films. Au premier virage, comme si l’exposition était finie, les cimaises se vident, offrant leur nudité de BA 13.

Au fil du parcours, projections et installations ralentissent le pas, guère plus. Deux films retiennent néanmoins l’attention. Dans Réfléchir la mémoire (2016), qui valut le prix Marcel Duchamp à l’artiste, des scientifiques parlent de membres fantômes, allusion métaphorique à la perte du pays natal chez les émigrés. Ensuite, dans Les Héritages du corps : le corps postcolonial (2018), des intellectuels qui se perçoivent comme « colonisés » livrent des analyses brillantes sur la question des violences policières, du racisme structurel de l’institution et de la nécessité de faire disparaître du champ social le corps du « citoyen racisé postcolonial français » – pour citer le critique d’art et commissaire d’exposition Olivier Marboeuf dans le film. Pourquoi dès lors avoir éliminé ledit corps postcolonial de cette exposition qui s’apparente à une traversée du désert ? Les frigos couverts de miroirs ou le paysage de dunes en semoule procèdent d’une orientation du travail de l’artiste : la juxtaposition d’éléments orientaux et occidentaux y fait avant tout signe vers la rhétorique.

Au cœur du parcours, une longue travée est divisée par un grillage dans lequel des pierres ont été insérées, d’autres étant artistement réparties au sol avec un peu de gravier. Une invitation à la révolte ? L’ensemble paraît aussi inopérant conceptuellement que le geste plastique est vidé de sa forme sociale dès lors qu’il devient un motif. Quant au vil sac plastique désespérément vide abandonné vers la fin du parcours, c’est un bien maigre présent de l’artiste qui « rentre à la maison » après un si long périple.

Le seul moment de grâce de l’exposition a lieu quand Kader Attia ressort de ses archives la Piste d’atterrissage (1999-2003) et ses transsexuelles. Mais les images, ayant perdu leur jeunesse et leur transparence de diapositive, tentent en vain de rejouer leur joie mélancolique en zombis couverts de colle d’affichage. Seuls corps du projet, ils reviennent en hanter les murs nus comme ses membres fantômes involontaires.

Kader Attia, Les racines poussent aussi dans le béton, jusqu’au 16 septembre, Mac/Val, place de la Libération, 94400 Vitry-sur-Seine.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°501 du 11 mai 2018, avec le titre suivant : Kader Attia revient sur ses racines

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