Rétrospective

Josef Sudek, la nuit, la ville

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 30 août 2016 - 691 mots

Le Praguois s’attachait à donner de la matérialité aux images de la capitale tchèque, ainsi que le démontre l’exposition coproduite par le Jeu de paume et le Musée du Canada à Ottawa.

Paris - L’Institut canadien de la photographie du Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa détient la plus belle collection de photographies tchèques, celle du Musée des arts décoratifs de Prague mise à part. Notamment de Josef Sudek (1896-1976), dont le fonds remarquable a été enrichi en 2010 par un don portant le nombre d’œuvres détenues par l’institution à 1 700 (contre 23 000 pour le Musée des arts décoratifs de Prague). C’est ce don et le travail de recollement de ses photographies qui a engendré le travail scientifique au fondement de la belle rétrospective « Josef Sudek. Le monde à sa fenêtre », coproduite par l’Institut canadien de la photographie et le Jeu de paume, visible aujourd’hui à Paris avant de rejoindre les cimaises du musée d’Ottawa à la fin du mois d’octobre.

Une première grande monographie, présentée en 1988 par le Musée national d’art moderne-Centre Pompidou, avait permis de découvrir l’œuvre et la vie du célèbre photographe. Le catalogue de la rétrospective actuelle est riche à cet égard en textes instructifs. En particulier celui de Vladimír Birgus, directeur de l’Institute of Creative Photography à l’université de Silésie et co-commissaire de l’exposition ; il porte sur les relations entre Josef Sudek et ses confrères tchèques au premier rang desquels Jaromir Funke, mais plus largement sur l’influence importante des beaux-arts, de la musique et de la poésie sur ses séries photographiques. L’ensemble axé sur la ville de Prague la nuit est ainsi à relier aux toiles du peintre praguois Jakub Schikaneder.

Un travail d’exploration dans la chambre noire 
La contribution au catalogue de Vojtech Lahoda revient quant à elle plus précisément sur l’histoire du photographe Josef Sudek, requis par les peintres et sculpteurs pour documenter leur travail, et sur l’impact de ses liens d’amitié avec František Tichý (un temps Sudek vendit ses tableaux) et surtout avec Emil Filla. Au Jeu de paume, leurs portraits réalisés par Sudek, regroupés sous la séquence « Amis et artistes », font écho à ces différentes amitiés sans véritablement montrer, œuvres à l’appui, leurs influences respectives.

Car pour les commissaires de cette rétrospective, il s’agit avant tout de retracer chronologiquement, pour ne pas dire classiquement, l’œuvre du photographe, ce à partir du fonds du Musée des beaux-arts d’Ottawa. Leur propos est de montrer une œuvre « indissociable de son travail d’exploration dans la chambre noire et de son aptitude à traduire ses émotions en images », souligne Ann Thomas, conservatrice de la photographie à l’Institut canadien. Le choix de telle technique de tirage, et le tirage lui-même, induisant la tonalité le plus juste. « Tout au long de sa carrière, Josef Sudek a apporté des réponses différentes aux problèmes que posent les propriétés de réflexion, de dissolution et de diffraction de la lumière naturelle et artificielle, façonnant des images qui vont de la plus sombre mélancolie aux plus brillants jeux de scintillements », indique la commissaire canadienne dans le catalogue. La sélection, resserrée, de photographies opérée pour chaque séquence le démontre, tout en rapportant l’homme à son époque, celle de l’Occupation allemande en particulier.

Un artiste de la matière
Depuis ses célèbres séries réalisées à partir de la fenêtre de son atelier jusqu’à ses natures mortes ou ses photographies du jardin de l’architecte Otto Rothmayer, Josef Sudek se perçoit comme un artiste de la matière, une matière qui donne, redonne de l’expérience et de la matérialité à un arbre ou à une vue derrière une vitre embuée. Matérialité indissociable d’une pensée, d’un sentiment dont l’expression de l’acuité est pénétrante. Diverses photographies inédites émaillent le parcours, dont quatre tirages posthumes issus de prises de vue d’une fenêtre réalisés quatre ans avant sa disparition. Elles dévoilent pour la première fois l’usage d’un film couleurs, mais surtout, quatre simples images sont porteuses ici d’un éclat de lumière dépourvue d’ombres.

Josef Sudek

Commissaires : VladimÁ­r Birgus, directeur de l’Institute of Creative Photography, université de Silésie, Opava, République tchèque ; Ian Jeffrey, historien de l’art ; Ann Thomas, conservatrice de la photographie, Institut canadien de la photographie des Musée de beaux-arts du Canada
Nombre d’œuvres : 132

Josef Sudek. Le monde À ma fenêtre

jusqu’au 25 septembre, Jeu de paume, 1 place de la Concorde, 75008 Paris, tlj sauf lundi 11h-19h, mardi jusqu’à 21h, www.jeudepaume.org, entrée 10 €. Catalogue, coéd. Jeu de paume, Paris/Institut canadien de la photographie du Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa/Cinq Continents Éditions, Milan, disponible en française et en anglais, 300 p, 250 ill., 40 €.

Légende Photo :
Josef Sudek, Rue de Prague, 1924, épreuve gélatino-argentique, 8,3 x 8,2 cm, Musée des beaux-art du Canada, Ottawa. © Succession de Josef Sudek

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°462 du 2 septembre 2016, avec le titre suivant : Josef Sudek, la nuit, la ville

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque