musée

Jésus Christ Superstar

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 mars 2000 - 467 mots

Alors que Rome célèbre le jubilé de la chrétienté, la National Gallery de Londres consacre de son côté une exposition richement documentée sur les images du Christ. Jésus est sans aucun doute le personnage le plus médiatisé de ces deux derniers millénaires. En dehors de toute conviction religieuse, rares sont ceux qui ne l’ont jamais vu. Il aurait été facile de retracer la vie du Christ
à travers ses nombreuses représentations, de l’Annonciation au Jugement dernier, mais le parti pris de l’exposition est plus complexe car il tente d’observer les changements iconographiques depuis les premiers siècles. Des images protéiformes qui évoluent depuis la crise iconoclaste du VIIIe siècle au Moyen Âge, de la Contre-Réforme jusqu’au déclin des religions aux XIXe et XXe siècles. Une histoire dense, où des modèles adoptés en des temps reculés peuvent toujours être de mise des siècles plus tard. Palliant la difficulté d’une progression à la fois chronologique et thématique, sept salles rassemblent peintures, sculptures et objets artistiques de la National Gallery mêlés aux prêts d’institutions aussi prestigieuses que le Prado et les musées nationaux de Rome ou Stockholm. Les textes sacrés n’ayant jamais donné de description du Christ, son image est interprétable. Durant les premiers siècles, l’impossibilité de représenter le verbe divin a conduit le choix d’une forme symbolique. Tour à tour bon pasteur, poisson ou croix, il prend aussi l’apparence d’un agneau comme dans la composition sobre et dramatique de Zurbarán, où l’animal aux pattes attachées préfigure le supplice et la mort. Assez rapidement les artistes sont confrontés à l’ambiguïté de ce personnage. À la fois humain et divin, mortel et éternel, victime et victorieux, le Christ est une figure duelle. Vers 1200, le succès de la légende de Véronique et de la vraie image – l’empreinte du visage du Christ serait restée sur le linge tendu par Véronique durant la montée au Calvaire –, lié à une demande de lisibilité de l’histoire biblique, concourt au développement de « portraits » du Messie. Une salle, prénommée « La vraie ressemblance », est consacrée à cette vera eikon qui conditionnera l’apparence du Christ pour des siècles. L’église développe l’iconographie de la Passion avec des œuvres de dévotion privée ou publique qui cherchent à susciter la ferveur, la piété ou la culpabilité chez le fidèle. Les représentations explicites de la torture et de l’humiliation (Le Christ aux outrages de Jérôme Bosch) cohabitent avec les imago pietatis abstraites où les stigmates et les objets de tortures flottent sur le parchemin d’un livre d’heures gothique. La Résurrection et le Sacrement de l’Eucharistie prennent eux aussi une certaine importance ; le corps supplicié exhibé faisant place au vin, au raisin et au pain. À travers ces images plurielles, c’est l’amour, la souffrance et la mort qui sont abordés dans l’exposition.

LONDRES, National Gallery, jusqu’au 7 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°514 du 1 mars 2000, avec le titre suivant : Jésus Christ Superstar

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