Jean-Marc Bustamante

Le Journal des Arts

Le 21 décembre 2001 - 916 mots

À l’occasion de ses deux expositions personnelles à la galerie Daniel Templon et à la galerie Nathalie Obadia, Jean-Marc Bustamante a répondu à nos questions.

Vous exposez actuellement dans deux espaces distincts. Comment avez-vous conçu ce projet ?
Après avoir récemment montré mon travail à la Deichtorhallen de Hambourg, j’avais envie de faire une sorte d’état des lieux. J’ai saisi l’opportunité de présenter mon travail dans ces deux galeries parisiennes et de confronter ainsi différents médiums tout en les plaçant dans des configurations distinctes. J’ai donc choisi de montrer d’un côté une série de photographies réalisées il y a à peine deux mois au Japon avec des sculptures en forme de tables traversées par des cierges, et de l’autre des œuvres plus anciennes comme par exemple la série Continent placée en regard d’un Panorama sur Plexiglas récemment réalisé. Créer des résonances, des croisements et essayer de rendre compte de l’état actuel de mes recherches : voilà ce qui m’intéressait dans ce projet.

Comment la nouvelle série de photographies faite au Japon, que vous présentez à la galerie Templon, s’inscrit-elle dans votre démarche ?
Ma relation à la photographie est aujourd’hui un peu différente de celle que j’entretenais il y a quelques années. Certaines caractéristiques du style de mes anciennes photos sont encore présentes comme la sédimentation des plans, ou le choix d’un sujet relativement neutre, mais c’est en même temps éloigné de ce que je faisais auparavant. Pour comprendre cette évolution, il faut revenir à une étape très importante de mon travail qui n’a pas encore été montrée en France et qui est une série réalisée en Suisse. Dans ces œuvres, on remarque fréquemment la présence d’un lac. Le lac est devenu pour moi un motif intéressant car il ressemble à un aplat, à un monochrome ; c’est une sorte de trou à l’intérieur du site. En me rendant au Japon, j’avais envie de continuer à aller dans le paysage avec encore plus de simplicité, et d’offrir une plus grande plénitude au regard. Le format est d’ailleurs plus allongé et plus étroit que celui des photos réalisées en Suisse.

Si l’on compare justement les formats de cette série à ceux d’une photographie plus ancienne exposée à la galerie Obadia, on s’aperçoit que les dimensions ont considérablement augmenté. 
Je voulais que le lac soit très présent dans l’image et il fallait donc aller dans le “grand”. Je souhaitais également que ces photographies entrent en relation avec les pièces réalisées en Plexiglas, les Panoramas, qu’elles soient au même format, et qu’il y ait un écho entre ces deux surfaces réfléchissantes. Après, ce n’est plus réellement un problème de dimensions, mais d’échelle par rapport au corps. La relation avec ces œuvres est très différente, elle est beaucoup plus physique. Ces photographies sont comme des fragments de paysage dans lesquels le corps peut s’inscrire. Après avoir, pendant des années, pratiqué énormément le format horizontal, j’ai maintenant une grande prédilection pour le format vertical. L’horizontalité du lac en liaison avec la verticalité de l’image m’intéressait d’ailleurs particulièrement.

Parmi cette série, on remarque une photographie un peu différente où la superposition des plans laisse la place à une sorte de grande perspective matérialisée par une route qui creuse l’image en profondeur.
Oui, cette photo est un peu à part car on est moins spectateur qu’acteur : on est soi-même sur la route, et pourtant le sujet reste “banal” et naturel. En partant au Japon, je craignais de tomber dans l’image de carte postale, le cliché des photos de voyage. C’était très difficile car les paysages étaient parfois trop somptueux pour l’utilisation que je souhaitais en faire.
J’essaye de mettre dans mon travail toutes ces contradictions : les tirages sont grands mais l’image n’est pas non plus grandiose tout en l’étant un peu. Il faut que l’on puisse presque oublier le lieu dans lequel on se trouve et que ne subsistent que quelques signes qui identifient le pays, comme les toits colorés des maisons japonaises par exemple.

Vous avez toujours pratiqué, simultanément à la photographie, d’autres disciplines comme le dessin et la sculpture. Pouvez-vous nous parler des Panoramas ? Les Lumières sont-elles à la source de l’utilisation du Plexiglas comme matériau ?
Avec la série des Lumières, j’ai découvert, effectivement, que l’espa  ce créé entre le Plexiglas et le mur était de nature différente que ce qu’on pouvait obtenir avec une toile ou un dessin accroché au mur. Je voulais savoir s’il était possible de garder, avec le même procédé (une plaque de Plexiglas posée en avant du mur et tenue par quatre supports métalliques), cet espace en utilisant une image qui n’appartienne plus au registre de la photographie mais qui soit plus picturale. Pour réaliser ces Panoramas, je pars de dessins que je réalise de façon très spontanée. Ceux-ci sont ensuite scannés, reportés sur un film et sérigraphiés à l’encre sur le Plexiglas. Je me demandais comment il était possible de partir de quelque chose d’intime (le dessin) et de le transposer de façon mécanique sur un support assez froid. Établir cette distance, et geler cette pulsion par le biais de la photographie et du Plexiglas, me permettait de créer une relation nouvelle entre le mur et cet objet hybride qui n’est ni une peinture, ni une photographie, ni une sculpture, tout en relevant un peu de chacun de ces domaines.

Galerie Nathalie Obadia, 5 rue du Grenier-Saint-Lazare, 75003 Paris, tél. 01 42 74 67 68, jusqu’au 19 janvier.
Galerie Daniel Templon, 30 rue Beaubourg, 75003 Paris, tél. 01 42 72 14 10, jusqu’au 19 janvier.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°139 du 21 décembre 2001, avec le titre suivant : Jean-Marc Bustamante

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