Art moderne - Art contemporain

Brioude (43)

Jean Dubuffet, hors catégorie

Le Doyenné – Jusqu’au 2 novembre

Par Itzhak Goldberg · L'ŒIL

Le 23 septembre 2025 - 321 mots

XXe Siècle -  Les plus grandes difficultés que l’on rencontre à situer Jean Dubuffet (1901-1985) dans le paysage esthétique contemporain semblent illustrer à merveille sa célèbre formule : « L’art doit surgir là où on ne l’attend pas, par surprise. »

Non qu’il soit impossible de lui coller des étiquettes : au contraire, il est tour à tour – ou même, simultanément – matiériste et « inventeur » de l’art brut, abstrait, surréaliste, expressionniste, gestuel… Comment, dès lors, affronter ce géant boulimique dont l’œuvre, selon Déborah Lehot-Couette, responsable des collections de la Fondation Dubuffet, compte plus de 10 000 travaux ? Il faut en réalité renoncer à toute prétention de présenter l’ensemble des cycles de Dubuffet et se concentrer sur quelques « défis », pour reprendre le titre de l’exposition organisée par le commissaire Jean-Louis Prat et Thomas Wierzbinski, directeur du Doyenné, espace d’art moderne et contemporain.

Le parcours chronologique – avec des toiles peu montrées – révèle qu’un tel travail polymorphe et hors norme ne cesse d’inventer des formes inédites. Par ses simplifications, ses matériaux insolites et son refus de toute règle académique, Dubuffet entretient un lien ambigu avec l’art brut. Dans cet univers labyrinthique, l’exubérance frôle parfois l’absurde. Tantôt figurative, tantôt abstraite, son œuvre se laisse gagner par la profusion. L’espace urbain se peuple de figurines, de petites silhouettes esquissées, rendues de manière frontale et incisées dans la surface (Les Contingences, 1980). Ailleurs, c’est la prolifération cellulaire, avec des structures mouvantes et imprévisibles (Le Torrent, 1953). Plus loin encore, les « Texturologies » : ces all-over organiques, accumulations de poussière et de terre, donnent l’impression d’une matière grouillante. Enfin, des traces et des graffitis multiples recouvrent les surfaces des « Mires » ou des « Non-Lieux » (1984). Face à ces travaux plutôt hermétiques, Dubuffet lui-même s’interroge : « Il se pourrait que j’aie mené mon travail trop loin, qu’il soit sorti des rails. » Rien d’étonnant, pourtant, de la part d’un artiste qui affirme : « Pas d’art sans ivresse. Mais alors, ivresse folle ! »

« Jean Dubuffet, le défi au quotidien »,
Le Doyenné, place Lafayette, Brioude (43), ledoyenne-brioude.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°789 du 1 octobre 2025, avec le titre suivant : Jean Dubuffet, hors catégorie

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