Javier Pérez, le corps en jeu

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 février 2003 - 402 mots

Le visage recouvert d’un masque de verre, un homme marche dans les rues de Prague. Grâce à un traitement qui lui confère un effet miroir, ce masque est le lieu de tous les reflets. Cette façon qu’a imaginée Javier Pérez d’appréhender la ville procède de la volonté tant de s’imprégner d’un contexte, qui lui est apparu d’emblée comme un grand mystère, que de se projeter en lui. Composée d’une projection vidéo en boucle et du masque-miroir en question, l’œuvre qu’il en a déduite, intitulée Reflejos de un viaje, est forte d’une relation au corps et à la vue proprement emblématique de la démarche de l’artiste. Originaire de Bilbao, né en 1968, Javier Pérez appartient à une génération qui, tout en composant avec un art de l’attitude, radical et rigoureux, tel qu’il lui a été enseigné par ses aînés, s’est tournée vers une forme d’expression polymorphe, volontiers spectaculaire, mêlant les pratiques les plus diverses. En rassemblant dessins, volumes et vidéos, dans un parcours dont toutes les salles sont obscurcies, créant une atmosphère propice aux illusions, l’exposition que lui consacre le musée d’Art contemporain de Nîmes en est une éclatante illustration. Il y va notamment de la mise en jeu de la figure et de la condition humaines dans un espace dont l’ordonnancement relève du récit et où le visiteur est invité à toutes sortes d’épreuves perceptives et sensibles, voire sensorielles. De fait, privilégiant des entités comme la disparition, la légèreté, le mouvement ou l’instabilité, Pérez use de matériaux aussi subtils que la fumée, l’air ou le verre et ses œuvres en appellent à un vocabulaire de formes rudimentaires comme des boules, des échelles, une roue, une spirale, un lit, des cônes, des cloches, etc. L’usage que fait par ailleurs Javier Pérez de matériaux animaux tels des crins de chevaux – comme dans Mascara ceremonial, sorte de parure anonyme –, des intestins de bovins ou des cocons de vers à soie vise à inverser la relation convenue de l’homme à l’animal, inscrivant ordinairement celui-ci au cœur de celui-là, ou à évoquer un principe vital en contrepoint à l’évanescence de toute présence humaine. Comme il en est de cette intrigante pièce en polyester, Humano, figurant un homme sans tête, bras croisés sur ses jambes repliées, qui semble s’être évaporé dans les fumures émergeantes de son col de chemise.

NÎMES, Carré d’art, musée d’Art contemporain, place Maison-Carrée, tél. 04 66 76 35 50, 23 janvier-13 avril.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°544 du 1 février 2003, avec le titre suivant : Javier Pérez, le corps en jeu

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