Jan Fabre, derviche dessinateur

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 juin 1998 - 341 mots

A la Biennale de Venise l’été dernier, ou plus magistralement encore à l’automne au MUHKA d’Anvers, ville dont il est originaire, l’occasion nous a été donnée de mesurer l’ampleur du travail de Jan Fabre. Cinéaste, dramaturge et chorégraphe, revendiquant « la liberté de créer avec tous les médiums possibles comme les artistes de la Renaissance », le Flamand s’est notamment fait repérer en réalisant aussi bien d’immenses dessins au stylo à bille bleu que d’étonnants « modèles » en volume à partir d’insectes de toutes sortes. Fasciné par la richesse chromatique de ceux-ci, Jan Fabre constitue en les assemblant des figures métaphoriques aussi diverses qu’un globe terrestre (Venise) ou des enveloppes de corps (Anvers) ; là, littéralement happé par la profondeur bleue – hommage
à Klein – du tracé du stylo à bille, il compose un monde d’images totalement inattendues. Da un’altra faccia del tempo est le titre générique qu’il a retenu pour sa première exposition personnelle à Paris,
à l’occasion de laquelle il a choisi de présenter une sélection d’œuvres des années 1987-1990, et plus précisément ces dessins au stylo à bille. Ils constituent pour lui un excellent passage obligé pour entrer dans l’univers de son imaginaire.
Ces dessins procèdent d’un véritable cérémoniel, sinon d’une pratique proche de la performance, Jan Fabre tournant tout autour de sa feuille de papier pour les réaliser comme un derviche qui s’oublie, voire qui se perd, dans sa danse. « Le dessin est une sorte de danse que j’exécute par mes poignets et la danse est un dessin dont les danseurs sont les lignes », précise l’artiste adhérant ainsi à la conception dyonisiaque de la création telle qu’elle a été formulée par Nietszche. Du labyrinthe bleu nuit ainsi tracé, Jan Fabre tire toutes sortes de « présences efficaces », de « notions miraculeuses » et de « métamorphoses éblouissantes qui nient une quelconque homologation, pour aller vers la notion de hasard », comme le note Germano Celant qui voit en lui un vrai « guerrier de la beauté ».

Galerie Krief, jusqu’au 10 juin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°497 du 1 juin 1998, avec le titre suivant : Jan Fabre, derviche dessinateur

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