Monographie

Invitation au voyage

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 9 décembre 2008 - 494 mots

La Musée de la marine, à Paris, convie à suivre les itinéraires maritimes d’Albert Marquet

PARIS - « Il devait à ce port [de Collioure] une de ses premières déceptions. Amené là, par ses parents dans son enfance, frappé par la couleur intense de la mer, il courut prendre un peu d’eau dans le creux de sa main et, après de nombreuses années, il se souvenait de sa stupeur quand il constata qu’elle n’y était plus bleue. Il dut peut-être à cette déconvenue sa tendance à regarder les choses plus intensément », relate Marcelle Marquet, épouse d’Albert Marquet, dont l’œuvre maritime est à l’honneur au Musée national de la marine, à Paris. Est-ce de cette stupeur qu’est née l’application du peintre à rendre, sa vie durant, la transparence de l’eau ? Dans cette exposition retraçant les pérégrinations de l’artiste le long du littoral européen et nord-africain, une trentaine de ports sont illustrés.
Des vagues turquoises des Sables d’Olonne aux fonds boueux du port de Rotterdam en passant par les reflets émeraude des eaux de Boulogne-sur-Mer, la mer que brosse Marquet n’est jamais la même ; elle est vivante. Passé l’entrée en matière où la représentation se borne à l’observation timide de la côte vue de haut, on plonge dans le vif du sujet. La mer n’est pas une masse informe. Tantôt mate, tantôt brillante, elle se fait tour à tour miroir ou cristal, absorbant la lumière ou transparente. Dans sa célèbre série de vues de Notre-Dame datée de 1908, Marquet évoque la chaussée trempée de pluie d’un simple coup de pinceau. Et cette capacité à peindre l’eau telle une « matière » est le véritable sujet de l’exposition. Ici rivalisent les dégradés de couleurs liés à la profondeur de l’eau (Le Pyla, 1935), le contraste entre l’éclat de la mer et la matité du sable, les surfaces reflétant le paysage environnant ou tout simplement le ciel (Bassin au  Havre, 1906 ; Le Port de Bougie, 1925). Ainsi, lorsqu’il impose sa ligne d’horizon dans la partie la plus haute du tableau, Marquet affirme que le ciel ne l’intéresse que lorsqu’il est visible au ras de l’eau.
L’artiste n’est pas avare en effets atmosphériques, excellant dans les paysages de brume, aussi mystérieux à Alger, Marseille ou Stockholm. Il n’est pas plus un peintre de carte postale : « Il n’est pas d’entrepôts chagrins, de docks ingrats, de maussades bassins de radoub, pas de quais tumultueux, d’élévateurs, de transbordeurs, pas de paquebots, de rafiots ou de cuirassés, pas de vergues ou de manchons à air, pas de cheminées empanachées, que Marquet n’ait contemplés », disait de lui son épouse. On oublierait presque que, nommé peintre officiel de la Marine en 1945, Marquet ne connaissait rien aux bateaux.

ALBERT MARQUET, ITINÉRAIRES MARITIMES, jusqu’au 2 février 2009, Musée national de la marine, Palais de Chaillot, 17, place du Trocadéro, 75116 Paris, tél. 01.53.65.69.53, www.musee-marine.fr, tlj 10h-18h sauf mardi et jf. Catalogue, coéd. Musée/Thalia, 128 p., 35 euros, ISBN 978-2-352-780410.

ALBERT MARQUET

Commissaire : Véronique Alemany, conservatrice générale du patrimoine
Nombre d’œuvres : 186 (tableaux, œuvres sur papier et céramiques)
Scénographie : Nathalie Crinière

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°293 du 12 décembre 2008, avec le titre suivant : Invitation au voyage

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