Installations cyberludiques

L'ŒIL

Le 1 décembre 2003 - 660 mots

Organisée dans le cadre d’un cycle de manifestations autour du thème « Hommes et robots, de l’utopie à la réalité », l’exposition « Fantaisies cybernétiques » mène le visiteur de surprise en surprise. Après une évocation de l’histoire des robots depuis leur apparition jusqu’à aujourd’hui (des premiers mangas aux robots humanoïdes en passant par Astro Boy et la robotique appliquée à la vie quotidienne) et le rappel de la place qu’ils occupent dans la culture japonaise, le parcours propose sept œuvres à la croisée du multimédia, du graphisme et du design, nées de l’imagination d’artistes japonais contemporains. Dans notre société, le robot est souvent perçu de manière négative, comme
la matérialisation de l’aliénation de l’homme par la machine, l’incarnation d’une déshumanisation. Au Japon, l’approche est différente, le robot est la figure la plus emblématique de la technologie de pointe, davantage considéré comme un « ami » que comme une menace. Le titre de l’exposition, « Fantaisies cybernétiques », prend tout son sens à la vue des sept installations. Le logiciel de messagerie mis au point par Hachiya Kazuhiko, présenté sur les ordinateurs du premier espace, est doté d’un petit animal virtuel qui vient apporter les messages au destinataire. Comme un tamagoshi, il a ses humeurs, on peut lui donner des friandises, jouer avec lui, le laver, le remercier en le caressant… L’artiste souhaite instaurer un type de communication qui ne se limite pas à des questions et des réponses, comme c’est habituellement le cas avec l’envoi d’e-mails. Facétieux, l’animal peut également envoyer de lui-même des messages à vos amis. Dans le même esprit ludique, Happy robo room, de Iwai Toshio et Babakayo, nous introduit dans une maison japonaise pareille à une aire de jeux ; le public peut faire réagir les meubles et les objets, décider de faire tomber
la pluie derrière les fenêtres ou manipuler un petit robot dissimulé dans un carton pour le réveiller. On peut ensuite tenter l’expérience du jeu vidéo de Tsubaki Noburu, Cochineal, où, allongé sur une sorte de vaisseau, le participant doit éliminer les virus qui errent dans le cyber-espace. Reliée à internet, la machine matérialise sur un écran les virus présents à ce moment-là sur la toile et dont l’attaque se manifeste chez le joueur par des secousses qui viennent l’agiter. Tout l’œuvre de cet artiste s’articule autour de la circulation de l’information entre les humains, les animaux, les végétaux, en tentant d’abolir les frontières qui séparent ces différentes natures. Plus sombre est la proposition de Miyajima Tatsuo et Hajime Tachibana, intitulée 1 000 Deathclock in Paris et qui implique, là aussi, l’intervention du public.
Le visiteur s’inscrit sur internet (www.1000inparis.net), entre son nom et son prénom, sa date de naissance et la date à laquelle il décide de mourir. Il reçoit un badge qui contient ces informations et lui permet de lancer sur un écran géant le compte à rebours… jusqu’à l’heure fatale de sa disparition.
Sur l’écran s’affichent l’identité de la personne, le temps vécu et le temps qu’il lui reste à vivre, consultables par quiconque se connecte au site. Le but étant de faire prendre conscience de la vie réelle à celui qui participe, en réfléchissant à sa propre existence. L’œuvre se construit donc en réseau et en temps réel. Extrêmement pointues sur le plan technologique, ces installations – auxquelles s’ajoutent celles de Fujihata Masaki et Dôgane Yûji (Orchisoid 03), de Yanobe Kenji (Atom suite project) et les machines absurdes en forme de poissons de Maywa Denki – inspirées de la robotique au sens large décrivent un univers à la fois délirant, inquiétant et divertissant. L’interactivité permet à tous, enfants, spécialistes des robots ou simples curieux amateurs d’un art contemporain inventif et inédit, de plonger dans ce monde fascinant, certes éloigné de notre culture, mais rendu ici accessible et particulièrement attrayant.

« Fantaisies cybernétiques », PARIS, maison de la Culture du Japon, 101 bis quai Branly, XVe, tél. 01 44 37 95 01, 28 octobre-31 janvier, cat. 108 p., 19 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°553 du 1 décembre 2003, avec le titre suivant : Installations cyberludiques

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