Espace Electra, Paris

Ingres, desseins des dessins

Le Journal des Arts

Le 1 mars 1994 - 590 mots

Après « Le Retour à Rome de Monsieur Ingres », titre en janvier d’une exposition de ses dessins à la Villa Médicis – dont il fut pensionnaire de 1806 à 1824 puis directeur de 1835 à 1841 –, c’est à Paris que revient l’artiste pour la présentation, cette fois sous l’intitulé « l’Esprit du dessin », des mêmes œuvres, dont la plupart n’y ont jamais été montrées.

PARIS - Elles proviennent de sa ville natale, du Musée de Montauban, qui possède un fonds considérable et méconnu (sauf "200 chefs-d’œuvre maintes fois reproduits") de 4 500 dessins auxquels s’ajoute le contenu graphique de cartons "documentaires" constituant "une grande partie de la mémoire visuelle d’Ingres". Georges Vigne, son conservateur, auteur du catalogue (1), en apparaît le meilleur connaisseur. Il a sélectionné pour les exposer de nombreux inédits, sans considérer chronologie biographique ni sujets iconographiques. Il considère Technique et Références, revient sur Datations et Identifications, puis étudie le Nu et le drapé ou le geste, et détaille les moyens de diffusion et collaborations avant de montrer (à Paris sans les collections de l’Académie de France) comment sont liés Ingres et Rome.

Soit neuf thèmes ou moyens d’aborder l’œuvre par les dessins. Chacun de ceux présentés "propose un conte à sa manière", dont le catalogue donne le détail (avec hélas des coquilles). Histoire des pieds et des mains de la Vierge dans Le Vœu de Louis XIII, dont le traitement résoud un problème technique en s’accomodant d’exigences d’un autre ordre, par un enlacement étonnamment harmonieux. "Toute la Vierge est ici exprimée : sa présence ferme et légère sur ses nuages, la manière si douce avec laquelle elle porte son enfant."

Histoire du modèle de Raphaël et la Fornarina à la Farnésine, la seule "Thérèse très belle" pour les deux amants qu’unit la même tendresse. Histoire du geste de L’Odyssée dans L’Apothéose d’Homère, ou l’évolution en quatre esquisses de la tranquille figure et comment "la main sur le front descend jusqu’au menton, puis s’écarte progressivement du corps pendant que la tête se retourne avant de s’élever vers Homère."

D’autres encore : celle du Portrait de Madeleine Chapelle qui lui est rendu, de saint Symphorien debout dans son Martyre, de L’étude de nègre par le jeune Chassériau pour un Christ sur la Montagne qu’aurait exécuté son aîné ; l’histoire de ceux qui l’entourèrent, maîtres "des draperies", "aux petits points", "des jardins de la Villa Médicis" ou "aux murs animés", enfin de l’attachant tableau par leur ami Jean Alaux du peintre avec sa femme dans l’atelier romain (1818)... Passionnées, les démonstrations sont passionnantes pour leur rigueur (sur le rapport au paysage d’Ingres), des notes inspirées sur le silence ou l’immobilité de ses personnages n’empêchant pas une série de désattributions "massives".

Car la critique n’est pas seulement négative : en même temps que le rôle d’autres artistes, l’auteur fait apparaître la maîtrise de celui qui dirige au mieux leurs talents. Dépassant la mise au point du spécialiste, il révèle au spectateur un sens implicite qui ne peut qu’augmenter le plaisir de voir chaque pièce exposée. Le texte correspondant est ainsi nécessaire, prouvant qu’"Il n’y a pas de petit dessin" chez le peintre et permettant d’"y lire l’essentiel". Ingres a trouvé pour servir son oeuvre auprès du public un excellent interprète.

Ingres : l’Esprit du dessin. Espace Electra 6, rue Récamier 75007 Paris. Tél. : 42.84.23.60. Du 1er mars au 2 avril.

(1) Catalogue (bilingue italien/français), dont sont extraites les citations de l’article : Le Retour à Rome de Monsieur Ingres. Rome, Fratelli Palombi Editori, 406 p., 175 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°1 du 1 mars 1994, avec le titre suivant : Ingres, desseins des dessins

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