IKEA III, les ambitions royales du « kit »

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 1 mars 1994 - 490 mots

STOCKHOLM - Installez-vous confortablement dans un fauteuil "Medevi Brunn" (4 250 F), allongez vos jambes sur son "repose-pied" (1 950 F), écrivez sur un secrétaire "Osterbybruk" (3 200 F)… IKEA vient de lancer une série de copies de meubles "gustaviens". Même si le style gustavien est fait de simplicité, voire de rusticité, le mariage d’une entreprise ayant assis sa réputation sur des meubles en "kit", à monter soi-même, avec un style royal est plutôt surprenant !

Les fiançailles ont été engagées par un inconditionnel du XVIIIe siècle, le conservateur en chef du Musée national des arts, Lars Sjöberg, qui n’a pas hésité à déclencher une belle polémique dans son pays en unissant patrimoine et entreprise. Fils d’ébéniste, ébéniste lui même avant de faire des études d’histoire de l’art, Lars Sjöberg s’est pris de passion pour les anciennes demeu-res suédoises et leur mobilier. Il engloutit ses revenus dans des achats de maisons dont personne ne veut plus. Il cherche également à "sauver" du mobilier, comme celui de la station thermale de Medevi, menacé de vente.

Le bâtiment principal de Medevi – où l’on est venu pendant trois siècles prendre les eaux – était devenu un conservatoire du patrimoine en recueillant des pièces d’ébénisterie, des meubles et objets d’art provenant des manoirs environnants, souvent offerts par les habitués de la station. Par le biais de l’Office de conservation des antiquités, Lars Sjöberg a contacté IKEA qui, après avoir refusé à trois reprises, a accepté in fine de contribuer à la préservation de l’ensemble en contrepartie du droit d’en éditer des copies, au prix de 85 000 couronnes (60 200 F) par modèle. L’entreprise a sélectionné une vingtaine de modèles à rééditer. Une garantie de sérieux est affichée : chaque copie est contrôlée par l’Office de conservation des antiquités, et créditée d’un label. La copie prolonge l’authentique. "Si nous ne faisions pas des copies de bonne qualité, ce style de meuble mourrait", estime Lars Sjöberg. Le conservateur en chef affirme avoir longuement coopéré avec le designer contemporain pour retrouver à l’identique le modèle original.

Lors de la présentation à Stockholm de l’exposition, "Le Soleil et l’Étoile du Nord, la France et la Suède au XVIIIe siècle", IKEA avait aménagé un espace confrontant originaux et copies. Si la ressemblance était plutôt troublante pour les fauteuils ou les chaises "Hallunda", recouverts du lin typique à gros carreaux bleu et blanc, en revanche le clinquant de pacotille des "miroirs d’apparat" (2 450 F) ne plaidait pas en faveur de la bonne cause. L’or est incontestablement plus difficile à manier que le bois. La question de l’efficacité du contrôle de l’Office est posée, d’autant plus que le "copiste" refuse d’indiquer le nombre d’exemplaires reproduits pour chaque modèle. Il préfère se borner à déclarer que les copies "sont un grand succès en Suède".

À Stockholm, IKEA était mécène de l’exposition. à Paris, il ne renouvelle pas son soutien. Seul Volvo contribue au financement de l’exposition. Volvo III ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°1 du 1 mars 1994, avec le titre suivant : IKEA III, les ambitions royales du « kit »

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