Histoire des collections

Hommage à Louis La Caze

Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 754 mots

À l’occasion de la publication du catalogue de la collection La Caze, le musée parisien célèbre l’un de ses plus généreux donateurs.

 PARIS - Chineur insatiable, le docteur Louis La Caze (1798-1869) est, pour ses contemporains, un prince du bric-à-brac. La légende fait de lui un « cousin Pons », fameux collectionneur du roman éponyme de Balzac, qui savait, en dépit de moyens financiers limités, dénicher des perles rares. À la différence du modèle littéraire, La Caze montre ses trésors et façonne sa propre légende en léguant à sa mort en 1869 près de 580 tableaux au Musée du Louvre, don le plus important jamais reçu par l’institution.
Cette donation arrive à point nommé pour combler une très grande lacune dans les collections du Louvre, où Boucher, Chardin et Fragonard sont absents, tandis qu’une seule œuvre de Watteau figure dans les salles de peinture française. Les artistes de la Révolution et de l’Empire, David en tête, ont prôné « l’élimination de toutes les productions susceptibles de perpétuer ce goût factice et maniéré » ; les conservateurs du musée resteront peu ou prou influencés en ce sens jusqu’au milieu du XIXe siècle. Pourtant, à partir des années 1840, la jeune critique romantique s’élève contre le mauvais sort fait aux peintres du XVIIIe siècle. Le goût manifeste de La Caze, collectionneur éclairé, pour ces artistes, est un indice du changement qui s’amorce ; le Louvre finira par en prendre acte.
Le catalogue complet de la collection La Caze, répartie entre l’institution parisienne et une centaine de musées régionaux, est enfin achevé, cent trente-huit ans après le legs. C’est l’occasion, pour le Louvre, d’inviter le public à découvrir cet étonnant donateur, ainsi que la singularité de sa collection, déployée dans le cadre idéal de la salle de la Chapelle. Un accrochage volontairement dense, sur des cimaises aux couleurs saturées, évoque les présentations du XIXe siècle. L’exposition propose une sélection de tableaux mêlant chefs-d’œuvre du Louvre et découvertes des musées de province. Elle ira ensuite au Musée des beaux-arts de Pau (Béarn) et à la Wallace Collection à Londres. C’est un véritable plaisir pour le visiteur de se plonger dans cette atmosphère feutrée habitée par l’âme du collectionneur.

À contre-courant
Le commissaire, Guillaume Faroult, s’est interrogé sur le tempérament et la personnalité de La Caze, dans l’espoir d’esquisser la genèse de sa sensibilité artistique. Peintre amateur, son Autoportrait éclaire à certains égards ses goûts picturaux. Utilisant une technique héritée de son maître, Anne-Louis Girodet, il accentue l’effet « tartouille », un type de peinture très empâtée qui oriente ses choix. La Caze côtoie les grands collectionneurs de son temps, tel lord Hertford (1800-1870), qui renoue lui aussi avec une peinture à contre-courant. Il tisse des liens étroits avec le Louvre, en tenant auprès de la communauté des conservateurs une place d’amateur et de conseiller. Quelques pages de son précieux catalogue et les plans de la « salle La Caze », qui s’ouvre en 1870, dévoilent le projet de sa vie : faire un jour entrer son nom dans le plus grand temple des arts. Le rêve de cette salle renaît le temps de l’exposition.
C’est autour du fameux Pierrot de Watteau, œuvre emblématique de la collection, que l’on peut voir émerger toute la singularité et l’éclectisme du goût de La Caze. La logique de sélection n’est pourtant pas absente de sa démarche : il aime la peinture gestuelle de Fragonard, les regards pénétrants des toiles de Rembrandt, la volupté et l’érotisme des tableaux de Watteau. Il sympathise avec des personnages fictifs, comme ce fameux Pied-bot de José de Ribera, ou encore cette Vieille Italienne, récemment attribuée à Géricault. Le visiteur peut aussi apprécier l’impact de cet ensemble sur la création des jeunes artistes de l’époque, auxquels La Caze laisse toute liberté pour copier ses œuvres. Ainsi, lorsqu’il peint en 1864 Fruits sur une table, Manet se réfère au Bocal d’olives de Chardin qu’il a sans doute étudié dans le cabinet du docteur.
L’exposition est à l’image de son appétit pour la peinture ancienne : un assortiment de bonnes choses livrant, selon Guillaume Faroult, « une histoire colorée, vivement empâtée et finalement très humaniste de la peinture de notre pays ». Avec un sentiment de nostalgie pour ce temps des donateurs, il espère que « les mânes du bon docteur susciteront de nouvelles vocations de collectionneur ».

1869 : Watteau, Chardin… entrent au Louvre, la collection La Caze

Jusqu’au 9 juillet, Musée du Louvre, aile Sully, salle de la Chapelle, 75001 Paris, tél. 01 40 20 53 17, www.louvre.fr, tlj sauf mardi, 9h-18h, mercredi et vendredi jusqu’à 22h. Catalogue, 288 p., CD-Rom, coéd. Musée du Louvre/éd. Hazan, 45 euros, . ISBN 978-2-7541-0178-3.

COLLECTION LA CAZE

- Commissariat : Guillaume Faroult, conservateur au département des Peintures du Musée du Louvre, assisté de Sophie Eloy - Nombre d’œuvres : 53

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°259 du 11 mai 2007, avec le titre suivant : Hommage à Louis La Caze

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