Histoire(s) d’une ville

L’architecture de Paris contée au pavillon de l’Arsenal

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 3 mai 2002 - 733 mots

Afin de définir l’identité architecturale de Paris,
le pavillon de l’Arsenal retrace l’histoire des immeubles de la capitale, depuis le XVIIe siècle jusqu’à nos jours. Plus de 1 200 plans et photos, enrichis de notices explicatives, disposés selon un parcours chronologique et thématique, ont été réunis pour l’occasion.

PARIS - Comment s’est constituée l’architecture parisienne ? Quelles en sont les caractéristiques principales ? Et quel rapport entretient cette architecture avec son environnement ? Pour répondre à ces vastes questions, le pavillon de l’Arsenal a imaginé deux parcours parallèles : l’un met en avant l’histoire de l’habitat – les diverses transformations qu’ont subies les immeubles de logements et de bureaux, au cours des deux derniers siècles –, l’autre aborde des thèmes génériques : apparition d’un certain type de bâtiment comme les tours (la première, réalisée par Édouard Albert, date de 1956), mode de construction ou évolution d’un élément architectural type tel le bow-window (appelé aussi “fenêtre à l’anglaise”), qui vise à éclairer les nouveaux bâtiments, autant de thèmes qui peuvvent donner les clés de l’architecture contemporaine. “L’exposition entend identifier certains traits de la substance architecturale de Paris, afin, peut-être, d’aider à penser des architectures parisiennes à venir [...]. Des architectures dotées d’expressions affirmées qui ne constituent pas pour autant une brutalité par rapport à la ville, comme ont su en construire, notamment, les grands architectes parisiens qu’ont été Auguste Perret, Édouard Albert, Louis Faure-Dujarric, Raymond Lopez ou François Le Cœur”, explique dans le catalogue Éric Lapierre, commissaire scientifique. Imaginée par les architectes Dominique Jakob et Brendan MacFarlane, la scénographie utilise des toiles imprimées, tendues sur des câbles, qui se déroulent et se plient par une série de bandes continues, espace dans lequel “tel un flâneur explorant la ville, le visiteur peut déambuler”.

Rationalité et pittoresque
Après un bref aperçu historique sur la naissance du paysage urbain – marqué par le passage de la maison à l’immeuble d’appartements –, entre 1650 et 1853, le visiteur peut constater que les constructions de la deuxième moitié du XIXe siècle sont étonnamment homogènes et calquées sur les grands principes haussmanniens. Promulgué en 1902, le nouveau règlement urbain accélère la mise en place d’une esthétique plus pittoresque et la construction de saillies importantes sur la rue (jusqu’à 1,20 mètre), qu’utilise, par exemple, Michel Roux-Spitz pour concevoir ses  bow-windows à trois pans. Le début du XXe siècle se caractérise par l’avènement du ciment et du béton armé – qui bouleversent la conception architecturale – et par l’emploi brut de matériaux souvent pauvres, telle la brique. Apparaissent ensuite les nouvelles façades de l’Art déco recouvertes de céramiques, de mosaïques, de briques, de terres cuites vernissées ou de pierres de revêtement, auxquelles succèdent les immeubles conçus pendant l’entre-deux-guerres, s’inspirant très largement de l’esthétique de la machine et de l’industrie. Le Corbusier donne ainsi à la maison-atelier d’Amédée Ozenfant l’apparence d’une usine miniature. Chaque période définie jusqu’en 1977 se conclut par le portrait d’un architecte, représentatif de son époque : Hector Guimard pour la deuxième moitié du XIXe siècle, François Le Cœur pour l’Art déco ou Raymond Lopez pour l’après-Seconde Guerre mondiale. La technique de préfabrication connaît ses premières réalisations dans les années 1950 ouvrant la voie aux géométries combinatoires, tandis que se développe une architecture fonctionnaliste influencée par l’Union des artistes modernes (UAM). Les immeubles de Fernand Pouillon, Robert Camelot ou Raymond Lopez relèvent d’un modernisme classique et ont su s’inscrire, à terme, dans le tissu urbain de la capitale. À partir des années 1960, les bâtiments adoptent des formes plus arbitraires et moins rationnelles, souvent spectaculaires.

“L’espace est ce par quoi la matière peut exister”, rappelle Henri Gaudin : la fin du XXe siècle est en effet marquée par la redécouverte des valeurs de l’espace (voir par exemple les immeubles de Frédéric Borel), et par un engagement pour une architecture “urbaine”, soucieuse de clarté et de lisibilité (illustrée par les réalisations de Jean Nouvel, Philippe Gazeau, Dominique Perrault, etc.).“L’architecture parisienne de ces vingt dernières années, en se situant toujours par rapport à un ailleurs historique, a été, pour beaucoup, une architecture pour architecte, conclut Éric Lapierre, mais elle ne saurait s’adresser qu’à eux. Elle doit aussi pouvoir offrir sa compréhension à tout un chacun.”

- IDENTIFICATION D’UNE VILLE – ARCHITECTURES DE PARIS, jusqu’au mois de juillet, pavillon de l’Arsenal, 21 boulevard Morland, 75004 Paris, tél. 01 42 76 31 28, tlj sauf lundi, 10h30-18h30 et 11h-19h le dimanche. Catalogue, 286 p., 45 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°148 du 3 mai 2002, avec le titre suivant : Histoire(s) d’une ville

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