Régicide

Henri III réhabilité

À Blois, le mythe du roi \"aux mignons\" est mis à mal.

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 9 juin 2010 - 534 mots

BLOIS (LOIR-ET-CHER) - Une vie de Caligula, d’Héliogabale et de Néron. Le propos, peu flatteur, est écrit en 1589 sous la plume de Jean Boucher, auteur de La Vie et faits notables de Henry de Valois, biographie à charge contre le dernier Valois, stigmatisé comme étant un dépravé entouré de mignons.

Il faut préciser que Jean Boucher, curé de son état, était l’un des plus fervents zélateurs de la Ligue, donc un farouche adversaire d’Henri III. Mais cette vision, entretenue autant par La Henriade de Voltaire que par l’imagerie populaire du XIXe siècle, correspondrait plutôt à un mythe. "Henri III a servi de repoussoir pour mieux valoriser les vertus d’Henri IV, son successeur sur le trône de France, souligne Pierre-Gilles Girault, commissaire de la manifestation au château-musée de Blois. Le pays traverse alors une guerre civile très violente et le contraste peut sembler très fort entre les fastes de la Cour et le temps des crimes politiques."

L’exposition joue sur ces deux registres, dans une scénographie théâtrale destinée à séduire le public touristique qui bat le pavé du château. Le parcours, clairement articulé, propose toutefois une succession d’œuvres de qualité de cette période artistique, la Seconde Renaissance, moins brillante que la première moitié du XVIe siècle et aussi moins connue. Dès la première salle, le grand peintre de l’époque, Antoine Caron, est présenté par une belle feuille (v. 1570, Musée du Louvre) qui plante le décor familial. Elle figure Henri II et Catherine de Médicis sous un arc de triomphe, entourés de leurs dix enfants. Une abondante progéniture qui n’empêchera pas la lignée des Valois de perdre le trône dès 1589, après les règnes de François II (1559-1560), Charles IX (1560-1574) puis Henri III (1574-1589),  devenu roi de France après avoir brièvement gouverné la Pologne. L’image joue alors un rôle majeur à la Cour. D’après un modèle dessiné par Étienne Dumonstier, le portrait du roi est décliné sur différents supports, dont l’émail peint, pour aboutir à une composition savamment étudiée dans son dépouillement (attribuée à Dumonstier v. 1579-1580, Musée Narodowe à Poznan, Pologne).

Le roi souhaite aussi donner une autre vision de la Cour, où les fêtes, illustrées par deux tableaux attribués à Hieronymus Francken qui semblent avoir été conçus en pendants et sont ici rapprochés pour la première fois (Louvre et Versailles), font l’objet de critiques acerbes. Mais Henri III sera vite pris au piège de l’affrontement entre catholiques et protestants. Sa réponse brutale aux provocations du duc de Guise, c’est-à-dire son assassinat, scelle son sort. Le contexte devient délétère et les appels au régicide se multiplient. Le clerc Jacques Clément passe à l’acte le 1er août 1589 et poignarde mortellement le roi. Quatre siècles plus tard, le sujet sera abondamment repris par les peintres troubadours, de Paul Delaroche à Hugues Merle, auteur d’un monumental tableau présenté au salon de 1863 – où il sera remarqué par Théophile Gauthier – qui résume l’événement en intégrant l’entrée en scène d’Henri de Navarre, venu prendre possession du royaume.

FÊTES ET CRIMES À LA RENAISSANCE, LA COUR D’HENRI III, jusqu’au 24 août, château royal de Blois, 41000 Blois, tél. 02 54 90 33 33, www.chateaudeblois.fr, tlj 9h-18h30. Catalogue, éd. Somogy, 152 p., 25 euros, ISBN 978-2-7572-0379-8

Fêtes et crimes à la Renaissance

Commissariat : Élisabeth Latrémolière, directrice du château et des musées de Blois ; Pierre-Gilles Girault, conservateur adjoint ; Mathieu Mercier, chargé de cours à l’université de Valenciennes
Scénographie : Alain Germain, metteur en scène et décorateur

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°327 du 11 juin 2010, avec le titre suivant : Henri III réhabilité

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