Rétrospective

Hélion, de l’abstraction à la figuration

Le Journal des Arts

Le 7 janvier 2005 - 695 mots

Hormis quelques œuvres emblématiques, l’exposition Jean Hélion du Centre Pompidou révèle surtout le caractère très inégal de la production du peintre.

 PARIS - Rigoureuses et construites, les compositions des années 1930 qui ouvrent le parcours de cette rétrospective Jean Hélion (1904-1987) au Centre Pompidou montrent d’emblée que l’artiste est – avec talent – un adepte de la peinture abstraite. Cofondateur en 1930 aux côtés de Van Doesburg de la revue Art concret, il participe l’année suivante au groupe Abstraction-Création, mais ne cesse de revendiquer son indépendance. Tout en restant abstrait, il produit dans les années qui suivent des peintures aux figures tubulaires, évoquant parfois celles de Fernand Léger. Le plus bel exemple en est la Figure tombée de 1939, qui sera paradoxalement sa dernière œuvre abstraite. Au moment même où il est reconnu, Hélion choisit en effet de se tourner vers la figuration, pour des raisons politiques et idéologiques plus que purement formelles. Il veut créer un art qui parle aux gens, proche de leurs préoccupations quotidiennes, et se concentre sur une observation nouvelle des choses, gardant de son expérience abstraite une tendance à simplifier les formes. Cette « trahison » de l’abstraction au profit de la figuration vaut alors à Hélion des critiques consternées et du mépris, aux États-Unis comme en France.

Univers graphique
Conçue par Didier Ottinger et Marie-Odile Caussin-Peynet, l’exposition déroule le parcours de l’artiste de façon thématique, à travers ses sujets de prédilection que sont le nu, la nature morte ou la ville, le tout sans donner la moindre information au visiteur sur sa vie et sa peinture – tout le monde connaîtrait-il parfaitement Jean Hélion ?
En confrontant les époques, l’accrochage met en évidence les périodes fortes comme les faiblesses de l’œuvre, dévoilant clairement ses différents styles. L’itinéraire « inversé » de l’artiste apparaît ainsi très inégal, d’un intérêt chronologiquement décroissant. Le parti pris thématique des commissaires se révèle pleinement justifié tant Hélion revient, à différentes périodes, aux sujets qui lui sont chers, revisitant même certaines de ses œuvres. La rigoureuse Figure tombée de 1939 fait face dans l’exposition à L’Instant d’après (1982), une œuvre figurative, chaotique, surprenante. Puis Les Relevailles (1983) apparaissent comme une synthèse de ces deux œuvres, entre le style tubulaire du milieu des années 1930 et une franche figuration. C’est peut-être l’idée même de rétrospective qui semble ici poser question : faut-il nécessairement tout montrer d’un artiste ? Aucun peintre ne produit que des chefs-d’œuvre, y compris les plus grands. Mais l’on sera plus indulgent pour un mauvais Picasso que pour un mauvais Hélion, et force est de constater qu’à partir des années 1960, les choses se gâtent sensiblement ; l’exposition semble pourtant mettre au même niveau les différentes décennies, en proposant un nombre important d’œuvres des années 1970 et 1980.
Le parcours réserve néanmoins quelques bonnes surprises. Le cabinet présentant les carnets annotés de Jean Hélion prêtés par la Bibliothèque nationale de France en est l’un des points forts, et certaines toiles des années 1940 et du début des années 1950 valent le détour. C’est lorsqu’il peint ses personnages stylisés, ses natures mortes aux parapluies et ses vitrines remplies de citrouilles que l’artiste est le plus convaincant (Nature morte à la citrouille et La Grande Citrouillerie ; Nature morte à l’œillet, 1948). Dans une esthétique proche de la bande dessinée, Hélion crée un univers très graphique, aux couleurs acidulées, qui trouve son plein épanouissement dans des sujets urbains, quotidiens et populaires – la Grande journalerie, 1950, montrant cinq hommes sur un banc public en train de lire le journal, ou la vitrine de la Grande mannequinerie (1951). Affublées de quelques autres datant des années 1960, 1970 et 1980, ces œuvres sont accompagnées d’une installation contemporaine sonore de Gérard Chiron évoquant les sons d’une ville. Elles composent la dernière et la plus vivante section de cette exposition en demi-teinte.

Jean Hélion

Jusqu’au 6 mars, Centre Pompidou, galerie 2, niveau 6, place Georges-Pompidou, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, tlj sauf mardi 11h-21h, nocturne jeudi jusqu’à 23h. Cat. 256 p., 39,90 euros, ISBN 2-84426-255-4. L’exposition sera ensuite présentée au Museu Picasso de Barcelone (17 mars-19 juin) et au National Academy Museum à New York (14 juillet-9 octobre).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°206 du 7 janvier 2005, avec le titre suivant : Hélion, de l’abstraction à la figuration

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