Sculpture

Gustave Moreau et ses poupées de cire

Le musée consacré à l’artiste dévoile les dernières recherches menées sur ses sculptures en cire

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 16 février 2010 - 607 mots

PARIS - Les expositions temporaires au Musée Gustave Moreau sont si rares qu’elles en deviennent précieuses. Deux ans après le surprenant « Huysmans-Moreau. Féeriques visions » relatant la décevante rencontre entre l’artiste et l’homme de lettres, « L’homme aux figures de cire » sort de l’ombre Moreau le sculpteur, et partage ses secrets à plus d’un titre.

Révélées par le travail radiographique minutieux effectué par le Centre de recherche et de restauration des Musées de France, les quinze sculptures en cire connues et conservées dans les collections du musée parisien apparaissent dans toutes leurs dimensions. Les commissaires Marie-Cécile Forest, directrice des lieux, et Anne Pingeot admettent cependant que les conditions dans lesquelles ces œuvres ont été créées demeurent incertaines.

En lien avec la peinture
Collectionneur de moulages et de photographies d’œuvres classiques qu’il acquérait notamment au Louvre, Gustave Moreau s’était fait la main en copiant les maîtres comme tout bon élève d’académie. Il a déclaré plus tard qu’il s’était tourné vers la sculpture pour « donner la mesure de [s]es qualités et de [s]a science dans le rythme et l’arabesque des lignes ». De même petit format, de même couleur (rouge) et de même technique, les quinze pièces de cire, vraisemblablement réalisées entre 1860 et 1880 dans un cadre expérimental, sont loin d’être des œuvres indépendantes. Touchant à l’histoire, la religion et à la mythologie, elles sont chacune en lien avec une œuvre peinte de Moreau, comme vient le démontrer le catalogue des projets de sculptures dessinés tout juste achevé par deux jeunes chargés d’études du musée  – 40 dessins et 16 sujets, dont 4 ont été traités en sculpture et en peinture : Salomé, L’Apparition, Prométhée et Jacob et l’ange. Usant d’armatures en fer obtenues dans le commerce ou façonnées par ses soins, Moreau modelait ses personnages en parfaite concordance avec ceux qu’il peignait. Reste à en déterminer la chronologie. Parmi les rares pistes lancées par les commissaires, la différence d’approche entre le travail effectué sur Salomé, mannequin en bois recouvert de cire et habillé d’un voile qui pourrait s’être substitué à un modèle vivant pour la réalisation du tableau éponyme, et Lucrèce, dont la facture, sans repentir d’après les analyses du laboratoire de recherches, fait penser à un modèle abouti, une version allégorique du tableau Lucrèce et Tarquin.

Les commissaires ont ajouté au récit un chapitre intéressant en incluant les œuvres de contemporains de l’artiste, comme lui obnubilés par la figure du cheval en deux et trois dimensions, mais aux soucis esthétiques différents : Edgar Degas, Ernest Meissonier, Paul Dubois et Emmanuel Fremiet. La figure de Degas est d’autant plus intéressante qu’il cultivait lui aussi le plaisir de la sculpture à titre privé. À la différence que certaines œuvres de Moreau sont signées, indiquant la satisfaction de l’artiste, voire sa volonté de transformer ces essais en véritables exemplaires en bronze, ce qui n’arriva jamais. Et dire que Vollard harcelait Degas pour fondre en bronze et commercialiser les chevaux et danseuses en cire que l’artiste réduisait en boule pour mieux recommencer…

Rare et précieux est donc cet homme aux figures de cire. Dès la première salle, à l’accrochage inspiré par deux expositions en particulier – « Copier-créer » au Musée du Louvre (1993) et « À fleur de peau. Le moulage sur nature au XIXe siècle » au Musée d’Orsay (2001-2002) –, la scénographie sert avec discrétion et efficacité le propos tout en respectant l’esprit et l’intimité du lieu. Où quand les recherches scientifiques sont sublimées par la pédagogie et l’esthétisme.

GUSTAVE MOREAU

Commissaires : Marie-Cécile Forest, directrice du Musée national Gustave Moreau ; Anne Pingeot, conservatrice honoraire au Musée d’Orsay
Œuvres : 88 (sculptures, peintures, dessins, radiographies et photographies)
Scénographie : Hubert Le Gall

GUSTAVE MOREAU. L’HOMME AUX FIGURES DE CIRE, jusqu’au 17 mai, Musée national Gustave Moreau, 14, rue de La Rochefoucauld, 75009 Paris, tél. 01 48 74 38 50, www.musee-moreau.fr, tlj sauf mardi 10h-17h15. Catalogue, coédité par le musée et Somogy, 160 p., 150 ill., 35 euros, ISBN 978-2-7572-0323-1

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°319 du 19 février 2010, avec le titre suivant : Gustave Moreau et ses poupées de cire

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