Garouste !

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 février 2006 - 412 mots

Avec six tableaux monumentaux traitant d’iconographie et de peinture religieuses, Gérard Garouste revient chez Daniel Templon un an après avoir proposé toute une série de portraits. Il n’y a pas plus boulimique que cet artiste qui dévore la peinture jusqu’à la moelle et qui fait de cette dévoration le sujet même de son œuvre.
Depuis plus de 25 ans, Garouste ne cesse de s’en prendre aux grands textes, qu’ils soient sacrés ou non, s’appliquant à en démonter les codes sur lesquels ils reposent. Ce faisant, il en conçoit une transcription plastique nouvelle qui vise à mettre en question le problème de l’origine de notre propre culture. 
Rien n’intéresse plus Garouste que de s’interroger sur ce qui fonde notre mode de pensée judéo-chrétien et sur la façon dont nous nous abreuvons d’interprétations labellisées au fil des siècles. À la façon d’un sémiologue passionné d’iconologie, il prend un malin plaisir à puiser aux racines des textes et des mots pour en déduire toutes sortes de compositions. Il n’hésite pas à faire endosser à ses proches les rôles ordinairement tenues par des figures symboliques.
Reconsidérant le dogme de la naissance virginale du Christ, Garouste brosse par exemple un tableau complètement insensé. On y voit le peintre installé dans une étable en compagnie de son ami et designer Philippe Starck, tous deux lorgnés en arrière-plan par une jeune fille dénudée dont le corps s’offre dans une désarticulation digne de Bellmer. De l’âne et du bœuf qui apparaissent par une porte au fond à droite du tableau, celle-ci reçoit en cadeau une toupie épelant le mot hébreu « Alma », lequel donne son titre à l’œuvre. À travers cette dernière, l’artiste propose d’explorer ce terme d’Alma, l’un des plus controversés de la théologie, car c’est sur sa traduction erronée de « vierge » que repose le dogme en question.
Par-delà la question des clés de sa compréhension, la peinture de Garouste se veut d’abord et avant tout une peinture d’image. Tous ses efforts conduisent ainsi l’artiste à surprendre le regard qui s’y porte et à exciter sa curiosité de sorte qu’il ne puisse avoir d’autre envie que de s’interroger sur le contenu, quitte à inventer sa propre histoire. Pour ce faire, Garouste use de redoutables moyens plastiques en ce sens qu’il use sans complexe d’une matière picturale proprement goûteuse et d’une palette chromatique aux tons à la fois chauds et décalés.

« Gérard Garouste », galerie Daniel Templon, 30 rue Beaubourg, tél. 01 42 72 14 10, Paris IIIe, 21 janvier-28 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°577 du 1 février 2006, avec le titre suivant : Garouste !

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