Art ancien

Renaissance

François Ier, protecteur des arts et des lettres

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 27 octobre 2015 - 694 mots

CHANTILLY

Le Domaine de Chantilly célébre François Ier, le roi mécène, avec l’atout majeur que constituent les collections du duc d’Aumale.

CHANTILLY - Le Portrait de François Ier, chef-d’œuvre de Jean Clouet daté de 1525, aura bien voyagé cette année. L’image la plus célèbre du monarque drapé de soieries jaunes et blanches a quitté les cimaises du Louvre en mars dernier pour l’exposition « François Ier, pouvoir et image » à la Bibliothèque nationale de France (Bnf) et se retrouve aujourd’hui au Domaine de Chantilly pour illustrer « Le siècle de Francois Ier, Du Roi guerrier au Roi mécène ».

À ses côtés, un portrait dessiné de Jean Clouet (et atelier) est exactement identique au portrait du Louvre. Tout en sanguine et pierre noire, l’image du monarque est immortalisée un an avant sa peinture. Les deux œuvres n’avaient jamais été réunies, les dispositions testamentaires du duc d’Aumale interdisant aux collections du Musée Condé de quitter l’enceinte du Domaine. Là réside l’intérêt de l’exposition de Chantilly et toute sa légitimité sur le sujet. Les dessins et peintures de Jean Clouet font la renommée des collections de Chantilly depuis le XIXe siècle, mais peu de visiteurs connaissent la richesse de la collection de livres et de manuscrits réunie par le duc d’Aumale. Dès 1850, Henri d’Orléans rafle tous les manuscrits du XVIe siècle en vente à Paris et à Londres : à sa mort en 1897, il est à la tête de la plus importante collection de livres provenant de François Ier après celle de la BnF.

Un règne sauvé par le mécénat
Cette mise en perspective historiographique faite, il faut reconnaître le travail des commissaires d’exposition qui, sur un sujet déjà maintes fois traité, parviennent à se distinguer. Si le parcours thématique n’est pas d’une folle originalité, le choix des prêts et leur mise en résonance avec les œuvres de Chantilly sont judicieux, comme cette Lettre de Soliman le Magnifique à François Ier (1536, BnF), chef-d’œuvre de calligraphie et parfaite illustration de « l’alliance impie » du roi français avec les Ottomans après la défaite de Pavie. Le roi, malheureux à la guerre, vaincu diplomatiquement par les Habsbourg, devient le roi mécène attaché à sa propre légende. Et quel siècle en art que ce XVIe siècle où l’Italie s’invite à Paris ! Les dessins préparatoires du Primatice pour le décor de Fontainebleau entre 1530 et 1550, conservés à Chantilly et rarement montrés, interpellent par la grâce, le luxe de détail et la complexité iconographique. Empruntée au Mobilier national espagnol, une immense tenture évoque la richesse et l’opulence des cours européennes, identique à l’exemplaire commandé par François Ier – aucune autre tenture à fils d’or et d’argent de son règne ne subsiste, la plupart furent brûlées sous le Directoire.

Mais c’est avec les livres que le roi trace les sillons de sa légende. L’ère est à la bibliophilie, les grands seigneurs passent commande aux meilleurs enlumineurs, à commencer par Anne de Montmorency pour ses Heures, manuscrit d’une richesse étonnante. Si les subtilités des pratiques de reliure et des différents blasons marquant l’appartenance ou non à la bibliothèque royale peuvent rebuter les moins avertis, en revanche, l’association des œuvres de papier avec les dessins représentant leurs propriétaires ou leur créateur apporte un lien direct et presque intime. La mine sage et sévère de Guillaume Budé par Jean Clouet, et celle moins austère de Mellin de Saint Gelais (bibliothécaire royal et poète) par François Clouet, placés en contrepoint des livres qu’ils ont contribué à réunir, confèrent une touche plus intimiste aux vitrines faites de velun, de papier et d’encre.
La scénographie, très classique, offre un beau moment : une semi-rotonde pourpre pour évoquer les femmes de Francois Ier, sa mère, sa sœur, ses épouses et ses maîtresses. Les commissaires ont habilement évité l’écueil de la gazette mondaine en confrontant tableaux, émaux et dessins avec des écrits, notamment la poésie de Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre et sœur du Roi.

Le siècle de Francois Ier

Commissariat : Olivier Bosc, conservateur en chef de la bibliothèque et des archives du château de Chantilly, Maxence Hermant, conservateur au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France
Nombre d’œuvres : environ 175

Le siècle de Francois Ier

Jusqu’au 7 décembre, Domaine de Chantilly, 7 rue du Connétable, 60500 Chantilly, tlj sauf mardi, 10h30-17h, entrée 10 €, www.domainedechantilly.com. Catalogue, Éditions du Cercle d’Art, 229 pages, 30 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°444 du 30 octobre 2015, avec le titre suivant : François Ier, protecteur des arts et des lettres

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