Mode

Tours (37)

Fraises, rubans et belles dentelles

Musée des beaux-arts, Tours (37) – Jusqu’au 2 octobre 2023

Par Isabelle Manca-Kunert · L'ŒIL

Le 4 septembre 2023 - 329 mots

Si vous pensez que le punk est né dans les années 1970, l’exposition du Musée des beaux-arts de Tours devrait bouleverser vos certitudes.

La superbe reconstitution d’un costume féminin du Siècle d’or hollandais réalisée par le costumier Sébastien Passot semble préfigurer l’esthétique punk. La spectaculaire jupe en soie est en effet abondamment tailladée, afin de souligner la richesse et la désinvolture de celle qui la porte. De fait, les étoffes délicates coûtent alors plus cher que les diamants. Maltraiter un produit somptuaire constitue donc le summum du luxe et de la provocation. Tout aussi scandaleux est la rhingrave, une jupe-culotte que les hommes attachent avec une multitude de rubans, gaspillant ainsi des mètres de précieux tissus. Évidemment, le comble du luxe est de se faire immortaliser dans ces costumes furieusement subversifs et/ou fastueux. Le top du top : se faire tirer le portrait paré d’onéreuses dentelles et fraises. Qu’elle soit « en meule de moulins » ou « à profusion », cette collerette immaculée est le colifichet star de l’époque. On la retrouve dans nombre de tableaux sélectionnés avec pertinence dans cette exposition, de format certes réduit mais très réussie. Y compris là où on ne l’attendrait pas, par exemple dans l’effigie d’un tout jeune garçon qui illumine la pièce de son air mutin. Attitude qui contraste avec la sévérité de l’accessoire. Ce tableau, tout comme un autre joli portrait, provient du château d’Azay-le-Ferron. Ce sont deux pépites anonymes, illustrant cette passionnante réflexion sur les relations entre art et mode au XVIIe siècle. L’autre atout de ce projet itinérant, conçu avec les musées des beaux-arts du Mans et d’Angers, est la mise en valeur de collections locales, à la richesse souvent insoupçonnée. Ce projet vertueux de partenariat de proximité invite ainsi à regarder d’un œil neuf les trésors tourangeaux, notamment La Fuite en Égypte de Rembrandt : les costumes à la turque en disent, par exemple, davantage sur la mode à Amsterdam à l’époque que sur le dressing de la Sainte Famille !

« L’étoffe des Flamands. Mode et peinture au XVIIe siècle »,
Musée des beaux-arts, 18, place François-Sicard, Tours (37), mba.tours.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°767 du 1 septembre 2023, avec le titre suivant : Fraises, rubans et belles dentelles

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