Confrontation

Fausses jumelles

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 18 septembre 2012 - 582 mots

Le Musée Gustave-Courbet, à Ornans, met en scène les rapports
que la peinture a entretenus avec la photographie au XIXe siècle.

ORNANS - « Il faut imaginer le choc que fut l’invention de la photographie », rappelle Frédérique Thomas-Maurin, directrice du Musée Gustave-Courbet, à Ornans (Doubs), et commissaire de l’exposition « À l’épreuve du réel ». En particulier pour les peintres qui faisaient du portrait leur gagne-pain et qui ont senti le vent tourner. Or, malgré les critiques qui s’érigèrent contre ce nouveau médium des paresseux et des peintres ratés (dixit Baudelaire), le duel ne fut pas aussi frontal : nombreux furent les artistes qui ont su mettre la photographie à leur service. Dans un parcours didactique qui prend soin de rappeler le contexte de la révolution photographique, la démonstration aborde ces différents stratagèmes plus ou moins assumés. Ainsi du rapprochement troublant entre un tirage argentique d’un portrait de Jean-Auguste-Dominique Ingres par Pierre Lanith Petit et l’autoportrait du chantre de l’académisme, officiellement détracteur de la chambre noire magique (1858).

L’exposition ne visant pas à l’exhaustivité, elle se concentre sur des parallèles précis et n’est jamais aussi intéressante que lorsqu’elle se penche sur le mouvement naturaliste. À l’heure où les impressionnistes tentaient de capter l’essence de la modernité avec une touche rapide, ces peintres élèves de Jean-Léon Gérôme répondaient à une demande bourgeoise, celle de représenter la vie quotidienne jusque dans ses moindres détails. Et usaient ouvertement de la photographie pour construire leur composition, au point d’en faire un argument de vente. Le thème a beau avoir semblé rebattu aux yeux de la Bibliothèque nationale de France – qui a refusé d’apporter son concours à l’exposition, obligeant les organisateurs à recourir à des reproductions ! –, nombre de ces mises en regard interpellent. Montrant par exemple comment Courbet rajouta des bourrelets à sa plantureuse Baigneuse, bien plus élancée dans sa version sur papier salé de Julien Vallou de Villeneuve. La licence poétique, sans doute…

Un Chêne pour Ornans

Rares sont les œuvres emblématiques signées Gustave Courbet à apparaître sur le marché international. Rares sont également les capacités pour un musée départemental de s’offrir une telle œuvre pour plusieurs millions d’euros… Peint en 1864, Le Chêne de Flagey (appelé Chêne de Vercingétorix, camp de César près d’Alésia, Franche-Comté) fait l’objet d’un important branle-bas de combat dans le Doubs : persuadé de l’importance stratégique de la culture pour le département, le sénateur et président du conseil général, Claude Jeannerot, a lancé une souscription publique afin de permettre l’acquisition du tableau pour le Musée Gustave-Courbet. Il s’agit de réunir 4 millions d’euros d’ici au 15 octobre, date butoir donnée par le collectionneur japonais Michimasa Murauchi, 83 ans, qui disperse l’intégralité de sa collection de peintures françaises du XIXe siècle : mission ardue mais pas impossible. Rares sont également les collectionneurs à concéder de vendre à un musée de province une œuvre convoitée de tous ! Le 19 septembre, le tableau devait passer devant la commission ministérielle pour obtenir son inscription au titre d’œuvre majeure du patrimoine national – ce qui allouerait aux mécènes une déduction fiscale à hauteur de 90 %. À ce jour, la moitié des fonds sont réunis, apportés à égalité par la Fondation du patrimoine, les dons des particuliers, la Région et le Département.

À L’ÉPREUVE DU RÉEL

- Commissariat : Frédérique Thomas-Maurin, conservatrice en chef et directrice du musée ; Julie Delmas, adjointe du conservateur ; Élise Boudon, assistante de conservation ; assistée de Morgane Magnin.

- Scénographie : Jean-Pierre Breuillot, architecte départemental

À L’ÉPREUVE DU RÉEL, LES PEINTRES ET LA PHOTOGRAPHIE AU XIXE SIÈCLE

Jusqu’au 1er octobre, Musée Gustave-Courbet, place Robert-Fernier, 25290 Ornans, tél. 03 81 86 22 88, www.musee-courbet.fr, tlj sauf mardi 10h-18h. Catalogue, éd. Fage, Lyon, 182 p., 29 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°375 du 21 septembre 2012, avec le titre suivant : Fausses jumelles

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