Le Musée de Cluny propose un point d’étape sur le projet de recherche et de restauration des fragments du jubé retrouvés dans la nef de la cathédrale.
Paris. Des réponses, l’exposition « Faire parler les pierres » n’en offrira pas. Des questions, elle en posera par dizaines aux visiteurs. Mais plus important encore, c’est une méthode que veut divulguer ce parcours présenté au Musée de Cluny cet hiver. Cette présentation de quelques-uns des fragments du jubé de Notre-Dame, retrouvés lors des fouilles archéologiques de 2022, arrive cependant trop tôt dans le déroulement du chantier scientifique pour offrir une analyse arrêtée de ces découvertes. Pour ménager l’impatience du public, désireux d’admirer ces trésors depuis l’annonce de leur découverte par l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), c’est un point d’étape que propose le Musée national du Moyen Âge.
L’entreprise n’est pas simple, car le projet collectif de recherche qui associe une bonne dizaine de partenaires (parmi lesquels l’Inrap, le LRMH [Laboratoire de recherche des monuments historiques], le C2RMF [Centre de recherche et de restauration des musées de France], le CNRS) mobilise des champs scientifiques aussi divers que pointus pour résoudre le puzzle de pierres polychromes mises au jour par les archéologues. Et cet exercice de vulgarisation doit aussi ménager une place, dans sa scénographie, à l’émotion suscitée par la vision de grands drapés couverts de pigments rouges, ou de fonds dont le luxueux bleu lapis-lazuli est encore vibrant.
Deux registres se superposent : sur le pourtour de la salle, une présentation très fouillée des techniques permettant de recomposer ces fragments dans l’ensemble de la clôture de chœur (dont ne subsiste aucune représentation fidèle), mais aussi de réinterroger d’autres fragments déjà connus, conservés au Louvre et au Musée de Cluny. Le croisement des spécialités, de l’histoire de l’art à l’étude des traces de fossiles dans les pierres, permet ici de varier les portes d’entrée sur le travail scientifique en cours.
Dans un second temps, le grand îlot central est dévolu à une découverte bien moins bavarde, et très sobre dans sa présentation, des fragments tant attendus. Les visiteurs studieux auront alors préalablement ingéré tout l’arsenal intellectuel nécessaire à l’étude de ces sculptures polychromes ; d’autres, plus pressés, se seront immédiatement adonnés à la délectation de ces fantômes de couleurs venus du XIIIe siècle, le parcours n’imposant pas de sens à la visite. L’exposition fonctionne en réalité par aller-retour entre les sculptures silencieuses et l’appareil scientifique qui les entoure.
La scénographie, et particulièrement le travail de soclage, joue ici un rôle capital pour appuyer le discours scientifique. Une figure féminine, présentée dans la muséographie des années 1980 du Musée de Cluny avec un regard fixe et une tête droite, penche désormais légèrement du chef : l’analyse du ruissellement des eaux sur la pierre a récemment permis de comprendre son orientation originelle, et de réviser sa place dans l’ensemble. L’effort est persistant tout au long de l’exposition, jusque dans la fameuse salle Notre-Dame du musée, où cette approche offrant une perception in situ des fragments du jubé se télescope avec la présentation hiératique des géants de pierre de la cathédrale, retrouvés en 1977. Une belle occasion de titiller cette scénographie quadragénaire qui semble inamovible mais est scientifiquement obsolète.
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« Faire parler les pierres » du jubé de Notre-Dame
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°647 du 17 janvier 2025, avec le titre suivant : « Faire parler les pierres » du jubé de Notre-Dame





