Et soudain une note de poésie...

Par Marie Maertens · L'ŒIL

Le 1 février 2004 - 425 mots

Pour sa première exposition monographique, le musée des Arts contemporains du Grand-Hornu présente le travail de la vidéaste Marie José Burki. Celui-ci porte essentiellement sur le temps que l’artiste scrute, ralentit, sectionne, tout en tournant d’une façon distanciée, afin de capter « la présence de ceux qu’elle filme ». Ces temps suspendus, ces morceaux de réalité saisis à des moments précis portent l’attention du spectateur sur les gestes les plus quotidiens qui deviennent des objets de réflexion. Ces gestes ralentis et répétés permettent encore de mettre en exergue l’absurdité, l’inquiétante étrangeté du monde, comme dans la pièce A dog in my mind, composée de cinq vidéos. Un homme y cherche inlassablement quelque chose dans ses poches, des objets en gros plans y tombent au ralenti sous des rires d’enfants qui ressemblent davantage à des cris d’hystérie et des animaux sont ridiculisés par des jeux de cirque. Marie José Burki filme beaucoup les animaux car loin de révéler leur psychisme, les rapports que nous entretenons avec eux ne font que dévoiler le nôtre, voire le ridiculiser, sinon pourquoi entraîner un perroquet à faire du patinage ou humaniser un chien de la sorte ? D’origine helvétique, elle filme également des coins de Suisse d’une tristesse à pleurer, des journaux feuilletés pour montrer les dangers de la surinformation qui s’apparente à l’absence d’information ou encore un dîner, l’une de ses pièces phares, Mais que pouvait bien raconter saint François aux oiseaux, où la conversation devient d’une ineptie totale due à l’alcool. Pour ce travail, la vidéaste n’a pas mis en scène, mais en situation, voulant ainsi « laisser aller le monde ». « J’ai simplement dit aux acteurs “Buvez, mangez, dites ce que vous voulez”, je filmais ce que je voyais. » Et là, miracle de la poésie inattendue de cette phrase débusquée dans les interstices de la conversation. Une note d’optimisme dans l’ensemble d’un travail qui reflète une conception assurément tragique de la vie. Cette grande lectrice de Foucault partage d’ailleurs sa vision carcérale de la société et nombre de ses protagonistes sont filmés enfermés. Son dernier travail, De nos jours, semble néanmoins plus apaisé. Filmé l’été dernier dans un parc, il montre le laisser-aller, la plénitude des corps à moitié nus sous le soleil. Ces œuvres projetées pour la plupart en grand format sur les murs s’accommodent en outre remarquablement de l’espace majestueux de cette ancienne usine de raffinage de charbon.

« Marie José Burki, Mais que pouvait bien raconter Saint-François aux oiseaux », HORNU, (Belgique), MAC’s, tél. 00 32 65 65 21 21, 30 nov.-29 fév.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°555 du 1 février 2004, avec le titre suivant : Et soudain une note de poésie...

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