Art moderne

Relecture

Espèce d’espaces

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 26 avril 2016 - 541 mots

La Fondation Maeght renouvelle son accrochage autour du rapport de l’œuvre à l’espace.

SAINT-PAUL-DE-VENCE - « L’exposition joue avec les frontières disciplinaires, esthétiques, poétiques pour mettre en exergue les grands créateurs d’espaces de la collection. » Olivier Kaeppelin, le directeur de la Fondation Maeght, n’a pas peur des mots. Un projet ambitieux mais risqué, tant la notion d’espace est vaste, au sens propre comme au figuré. Le résultat est une réussite, car il ne s’agit pas de proposer la sélection du meilleur de la collection, mais de présenter les différentes manières dont les artistes se situent dans et face à l’espace.

À l’entrée, Le Turban, une œuvre tardive d’Alexander Calder (1969), est une spirale aux couleurs
pimpantes qui se déploie dans un mouvement qui semble s’accélérer. Rythme qu’on retrouve dans le premier chapitre de la manifestation, avec l’espace disloqué « inventé » par les cubistes (quatre gravures de Georges Braque). Ce principe de la discontinuité et de l’éclatement caractéristique de la modernité est ici décliné tout au long du parcours,   avec les pliages de Simon Hantaï, les espaces décalés d’Arroyo ou les signes essaimés sur la surface de Jan Voss.

Une expérience sensorielle
On peut prendre un trajet différent en partant du tableau de Damiens Cabanes, tout en légèreté (Laura et Samuel endormis, 2004). Les deux enfants allongés qui flottent sur un fond blanc rappellent que c’est avant tout avec le corps que l’on expérimente l’espace. Choix d’autant plus évident quand on croise les sculptures de Giacometti qui « marchent » dans la cour de la Fondation, mais aussi les merveilleux dessins de l’artiste suisse. Dans cette section, on croise un des beaux athlètes de Vladimir Velickovic, qui fuit sans raison précise ou quelques magnifiques stèles anthropomorphiques de Raoul Ubac, laissant deviner un torse, une jambe ou une tête (Stèles, 1977). Au fond de la salle, un fusain délicat de Pierre Tal-Coat, réalisé quelques mois avant sa mort, présente une figure qui recule, aux chairs évanescentes, proche et pourtant sur le point de disparaître (Étude de nu, 1955).

Inévitablement, avec une tentative d’établir une typologie cohérente, voire précise, on court le danger de former des ensembles trop rigides ou trop vagues qui ne résistent pas à la pression des œuvres. La veine poétique du maître des lieux fait pencher la balance du côté de la métaphore. Choix qui rend parfois compliqué la compréhension d’un chapitre comme « Espace Réversible » – malgré les escaliers en colimaçon de Sam Szafran ou l’astucieuse anamorphose d’Erik Dietman. En revanche, l’appellation « Transparence », permet de réunir des travaux qui « filtrent » le regard qui traverse l’espace. Ainsi, pêle-mêle, la peinture-tressage de François Rouan, les papiers incisés comme par des stries de Jean Degottex ou encore un formidable réseau de lignes qui recouvre la toile tout en la laissant respirer de l’artiste hongrois François Fiedler. Deux œuvres résument parfaitement la dialectique entre l’œuvre et l’espace : celle de Jean-Pierre Pincemin (Sans titre, 1976) un « mur » opaque impressionnant, recouvert de couleurs sourdes et la sculpture abstraite en bronze de Barbara Hepworth (Figure, Walnut, 1975) qui a incorporé le vide dans son cœur, devenu une matière indispensable à sa démarche. Mais, Braque disait déjà : « Le vase donne une forme au vide ».

ESPACE, ESPACES

Fondation Maeght, 06570 Saint-Paul-de-Vence, tél. 04 93 32 81 63, www.fondation-maeght.com, tous les jours octobre-juin 10h-18h, entrée 15 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°456 du 29 avril 2016, avec le titre suivant : Espèce d’espaces

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