Vermeer de retour au pays

Entretien avec Frederik Duparc, directeur du Mauritshuis à la Hayeeer de retour au pays

Le Journal des Arts

Le 1 mars 1996 - 668 mots

La rétrospective Johannes Vermeer a fermé ses portes le 11 février à Washington. Malgré vingt jours de fermeture (lire encadré), elle a été vue par plus de 325 000 personnes. Aujourd’hui au Mauritshuis de La Haye, l’exposition devrait attirer 250 000 visiteurs. Deux toiles supplémentaires – La laitière et La lettre d’amour, prêtées par le Rijksmuseum d’Amsterdam – sont venues s’ajouter aux vingt œuvres exposées à la National Gallery, alors que seules trente-cinq œuvres du peintre de Delft sont connues. Les tableaux sont accrochés dans quatre salles éclairées en lumière naturelle et artificielle, contrairement au musée américain qui avait choisi un éclairage purement artificiel. L’exposition a été préparée par Arthur Wheelock Jr, conservateur des Peintures du baroque du Nord à la National Gallery, et Frederik Duparc, directeur du Mauritshuis, qui répond à nos questions.

Pensez-vous que cette exposition modifie notre perception de Vermeer de façon significative ?
Frederik Duparc : Oui. Plus encore qu’auparavant, les gens vont ressentir l’extraordinaire qualité de son œuvre. À Washington, j’ai été frappé par le fait que ses tableaux vus ensemble sont davantage que la somme des parties. On sait toujours peu de choses sur le peintre – cela est vrai de beaucoup d’artistes de cette période – mais notre connaissance progresse. Par exemple, les études récentes sur la construction de la perspective, grâce à la présence de trous d’aiguille dans la toile, sont maintenant acceptées par tous (lire le JdA n° 16, juillet-août 1995) ; ces résultats ont définitivement remplacé la théorie de la camera oscura. Néanmoins, je pense que Vermeer connaissait également cette technique et les effets qu’elle permettait d’obtenir : il suffit de regarder, par exemple, la tête de lion ornant le dossier de la chaise de La jeune fille au chapeau rouge, où l’imprécision de la forme provient manifestement de l’emploi de ce procédé.

Croyez-vous qu’il soit nécessaire de réunir autant d’œuvres pour que notre connaissance de Vermeer évolue ?
Je pense que oui, surtout avec un artiste qui a si peu produit et dont les œuvres ayant survécu sont si différentes les unes des autres. La juxtaposition matérielle est extraordinairement révélatrice. Il y avait déjà eu des tentatives en ce sens : l’exposition de Rotterdam, en 1935, regroupait huit tableaux ; celle de 1966, au Mauritshuis ("Dans la lumière de Vermeer"), en présentait onze.

Diriez-vous que Vermeer est un peintre compliqué ou que sa complication n’est qu’apparente ?
Ses tableaux étaient déjà extrêmement appréciés de son vivant. On connaît l’histoire de cet amateur français venu en Hollande lui rendre visite dans son atelier : découvrant que toutes ses toiles étaient vendues, il se mit à en chercher une dans Delft et fut stupéfait du prix qu’elles avaient atteint. Ses tableaux sont le résultat de multiples séances et de très nombreux pentimenti. Ils sont profondément pensés, subtils et concentrés. La récente restauration de la Vue de Delft, effectuée au Mauritshuis, lui a ôté son vernis ancien et a révélé les innovations techniques introduites par l’artiste, manifestement insatisfait des procédés qu’il avait appris.

Pensez-vous que l’état actuel de notre connaissance de la peinture hollandaise du XVIIe siècle permette d’interpréter correctement l’art de Vermeer ?
Nous sommes aujourd’hui extrêmement bien placés pour étudier son art, car il y a eu de réels progrès depuis ces dix dernières années, notamment aux États-Unis, en Angleterre et aux Pays-Bas. La combinaison de différentes approches – scientifique, littéraire, archivistique et stylistique – a été d’un très grand secours. L’exposition actuelle s’intègre dans le cadre de ce vaste programme d’études, et les actes des colloques de Washington et de La Haye seront publiés en plusieurs langues.

RÉTROSPECTIVE VERMEER, du 1er mars au 2 juin, Mauritshuis, La Haye, ouvert tous les jours de 9h à 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 21h. Billets en vente à la Fnac, 73 F, 3615 Fnac ou (1) 49 87 50 50. Pour les réservations d’hôtels, 3615 Hollande ou (19) 31 70 320 26 00. Office néerlandais du tourisme : 9, rue Scribe, 75009 Paris, tél. (1) 43 12 34 20, Fax (1) 43 12 34 21.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : Entretien avec Frederik Duparc, directeur du Mauritshuis à la Hayeeer de retour au pays

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