Entre portrait et paysage

Rétrospective Gainsborough à Ferrare

Le Journal des Arts

Le 8 juillet 1998 - 450 mots

À la mode de son vivant grâce à ses portraits, Thomas Gainsborough a été reconnu par la postérité pour ses paysages empreints d’une sensibilité préromantique. La rétrospective de Ferrare permettra de vérifier la pertinence de ce jugement.

FERRARE. Un événement réellement exceptionnel est offert au public italien avec l’exposition de peintures et de dessins de Thomas Gainsborough (1727-1788), un des principaux peintres anglais du XVIIIe siècle. Exceptionnel par le nombre et la qualité des œuvres présentées, mais aussi pour l’opportunité de voir réunis les travaux de ce maître du Rococo européen, par ailleurs précurseur de la sensibilité romantique. Très apprécié du public anglo-saxon et recherché par les musées et les collectionneurs européens et américains, les expositions importantes et complètes qui lui ont été consacrées, que ce soit dans son pays ou à l’étranger, peuvent en réalité se compter sur les doigts d’une main. Celle de Ferrare a bénéficié du concours des musées londoniens, mais aussi des musées américains de Yale et de Toledo, ainsi que de la National Gallery de Washington d’où provient la célèbre marine Scène côtière, peinte en 1781 durant le dernier séjour londonien de Gainsborough. Ce tableau témoigne d’un renouveau décisif de la peinture académique, dominée à l’époque par les prototypes de Joseph Vernet, en offrant une vision plus sensible de la nature. Grand admirateur des peintres hollandais, Thomas Gainsborough a fait du paysage son genre de prédilection, qui a davantage contribué à sa postérité que les portraits. Le plus souvent, il a marié ces deux aspects de son talent en enchâssant le portrait sur un fond de paysage. La mode en avait été lancée par Hogarth, et suivie par Francis Hayman, aux leçons duquel Gainsborough a été attentif. Mais, dès les œuvres de jeunesse, généralement de petites dimensions, le peintre tend à “secouer” la scène en y insérant des touches de naturel habituellement absentes chez ses prédécesseurs, souvent figés dans une certaine rigidité artificielle. À partir de ces premières expériences, il développe cette extraordinaire capacité de mise en scène des personnages dans la nature, dans des atmosphères douces et calmes, et des attitudes légères et naturelles. C’est d’ailleurs l’une des principales qualités de sa peinture, qui anticipe en cela non seulement l’art romantique, mais aussi, par certains aspects, le portrait du XIXe siècle. Se détache, dans l’exposition, le tendre et délicat portrait qu’il a fait de sa femme en 1778. La touche mouvante et lumineuse se fait plus plastique dans la main levée et dans le visage mélancolique, entouré d’un jeu de blancs et de noirs dont, quelques décennies plus tard, Manet se souviendra peut-être.

THOMAS GAINSBOROUGH, jusqu’au 30 août, Palais des diamants, Corso E. d’Este 21, Ferrare, tél. 39 532 20 40 92, tlj 9h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Entre portrait et paysage

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