Révélations

Échos du cubisme

Le Journal des Arts

Le 1 août 2007 - 678 mots

Pour son dixième anniversaire, la Maison de la culture du Japon à Paris se fait l’hôte des artistes cubistes d’Asie.

 PARIS - Le cubisme en Asie : l’association des deux termes semble à première vue surprenante. La Maison de la culture du Japon (MCJP), à Paris, accueille pourtant une exposition sur ce thème inédit en France, au terme d’un long périple de deux ans (2005-2006) pendant lequel elle a fait escale au Musée d’art moderne de Tokyo, au Musée d’art contemporain de Séoul et au Musée d’art de Singapour. Cet événement intervient dans le cadre d’une série de manifestations organisées pour le dixième anniversaire de la MCJP. Il s’inscrit aussi dans une volonté d’élargir les champs d’étude à l’Asie dans son ensemble et à l’Europe.
À travers soixante-dix pièces (tableaux, dessins, gravures), les commissaires livrent un panorama de la propagation du cubisme à travers le continent asiatique. Le mouvement apparaît pour la première fois au Japon dans les années 1910, avant de se diffuser jusque dans les années 1980 en Asie du Sud-Est. Initié par des artistes ayant résidé en France ou ayant étudié Braque et Picasso, le cubisme est tour à tour adopté et décrié, selon les époques et les pays.
Les œuvres présentées dans l’exposition sont issues de musées asiatiques et de collections privées de onze pays, de l’Asie orientale jusqu’à l’Asie du Sud : Japon, Corée, Chine, Singapour, Malaisie, Philippines, Indonésie, Thaïlande, Vietnam, Inde et Sri Lanka. Le parcours est conçu de manière à donner une vision à la fois globale et nationale du cubisme en Asie. Ainsi, Tatehata Akira, co-commissaire de l’exposition, insiste dans le catalogue sur le fait que « la question de l’apport qui a eu lieu en Asie sous la dénomination du cubisme ne peut être traitée uniformément. Non seulement la réception du cubisme diffère selon les périodes et les régions, mais, même si l’on présente des exemples particuliers, le caractère véritablement cubiste de la peinture est ambigu dans de nombreux cas ».

Cubisme détourné
Pourquoi avoir donc choisi le cubisme, quand le fauvisme et l’expressionnisme suscitent une plus forte adhésion de la part des artistes de l’époque ? Comme en Europe, le cubisme est en Asie la manifestation de la modernité qui s’affranchit de toute convention artistique préétablies. Bien que la plupart des artistes exposés ici n’aient pas repris à la lettre les préceptes des cubistes européens, ils élaborent une nouvelle réflexion à partir de leurs innovations. D’inspiration cubiste, futuriste et fauve, l’Autoportrait aux yeux rouges (1912-1913) de Yorozu Tetsugorô ouvre le parcours en illustrant parfaitement le brassage des influences stylistiques européennes, lequel trouve un écho chez les artistes japonais, et plus généralement en Asie. Un peu plus loin, l’artiste sri-lankais George Keyt (1901-1993) atteste son assimilation du cubisme avec le Reflet, peint en 1947. Loin d’être utilisées pour décomposer et analyser le sujet, les lignes du cubisme sont au contraire vouées à créer une fusion, ici entre la femme et son reflet. Certains pays et leurs artistes se démarquent des autres par la puissance des messages politiques portés par leurs œuvres, ainsi le peintre philippin Vicente Manansala (1910-1981). Son tableau, D’après « le Pacte de sang » de Juan Luna, réalisé en 1962, témoigne d’un tournant dans l’histoire des Philippines, scellant les débuts de la colonisation par les Espagnols en 1565. Reprenant, comme son titre l’indique, le sujet d’un tableau de Juan Luna, Manansala le détourne en plaçant l’amiral espagnol Legazpi sur le même plan que le chef de l’île Datu Sikatuna, ce grâce à la planéité créée par le procédé cubiste de division de l’espace en formes géométriques. Le cubisme se fait ici vecteur d’un message, hors de toute expérimentation plastique. En faisant le choix de ne pas confronter ces œuvres à celles des collections européennes, les conservateurs présentent un cubisme affranchi de ses modèles et le révèlent dans un contexte exclusivement asiatique.

CUBISME : L’AUTRE RIVE-RÉSONANCES EN ASIE

Jusqu’au 7 juillet, Maison de la culture du Japon à Paris, 101 bis, quai Branly, 75015 Paris, tél. 01 44 37 95 00, du mardi au samedi 12h-19h, jeudi jusqu’à 20h. Catalogue, éd. Fondation du Japon, 255 p., 25 euros.

Cubisme en Asie

- Commissaires de l’exposition : Tatehata Akira, directeur, The National Museum of Art, Osaka ; Hayashi Michio, professeur, Sophia University ; Mizusawa Tsutomu, conservateur en chef, The Museum of Modern Art, Kamakura et Hayama ; Matsumoto Tôru et Miwa Kenjin, conservateur en chef et conservateur adjoint, The National Museum of Modern Art, Tokyo ; Tanaka Masayuki, maître de conférences, Musashino Art University ; Furuichi Yasuko, coordinatrice d’exposition, The Japan Foundation - Superficie : 450 m2 - Nombre d’œuvres : 70

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°261 du 8 juin 2007, avec le titre suivant : Échos du cubisme

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