Lens (62)

Echanges artistiques sans transport esthétique

Louvre-Lens Jusqu’au 28 septembre

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 23 juin 2015 - 307 mots

Pour sa première exposition d’art médiéval, la spécialité de son directeur Xavier Dectot, le Louvre-Lens n’a pas cherché la facilité.

C’est le moins que l’on puisse dire, car le musée se frotte à la délicate question des transferts culturels. Il s’attaque même à un sujet inédit : les échanges artistiques entre Paris et les grandes cités toscanes au XIIIe siècle. De fait, entre 1250 et 1320, les formes évoluent vivement en Toscane. Pour nombre de spécialistes, l’affaire est entendue : cette période est une proto-Renaissance, qui annonce celle du XVe et qui s’auto-génère à partir de la seule observation de la nature et de l’antique. Le musée émet une autre hypothèse ; les Transalpins auraient aussi regardé avec insistance l’art parisien contemporain, le gothique rayonnant alors à son zénith. L’heure est en effet aux échanges intellectuels et économiques et, si les artistes voyagent peu, certaines œuvres, elles, franchissent les Alpes. Les ivoires et l’orfèvrerie, qui se parent de la grammaire caractéristique de l’architecture et de la sculpture monumentale, diffusent le style parisien.

À partir de Nicola Pisano, et plus encore avec son fils Giovanni, les personnages délaissent ainsi leur attitude figée tandis que les drapés suggèrent davantage de vie et de mouvement. L’ambition de l’exposition est de mettre en perspective ces phénomènes d’émulation et de concrétiser par des dialogues ces échanges jamais univoques. Si les visiteurs initiés prendront plaisir à débusquer ces interactions dans un détail de vêtement ou un contrapposto, il n’est pas sûr que le public s’enflamme pour ce sujet de spécialiste. D’autant que les œuvres, pourtant de grande qualité, sont malmenées par une scénographie qui les anesthésie. Certes, les vastes espaces offrent une vision des pièces sous tous les angles, mais les objets sont malheureusement noyés dans un dispositif clinique tirant vers l’art minimal. Une mise à distance nuisant à la délectation et, in fine, à l’alchimie recherchée.

« D’or et d’ivoire. Paris, Pise, Florence, Sienne 1250-1320 »

Musée du Louvre-Lens, 99, rue Paul-Bert, Lens (62), www.louvrelens.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°681 du 1 juillet 2015, avec le titre suivant : Echanges artistiques sans transport esthétique

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque