Donnons-lui une photo de nous

La première chose que l’on ressent en découvrant le travail récent de Marylène Negro est le regard, d’une rare sensibilité, qu’elle porte sur le monde. L’exposition « Donnez-moi une photo de vous » (projet déjà réalisé en 1997 au Triangle à Rennes), le montre bien de par son principe : l’artiste distribue cette annonce dans la rue ou l’envoie par courrier. L’important est cet échange qui s’opère. La participation du public ne se réduit pas à sa présence au mur, elle s’inscrit plus largement dans une action qui commence à la réception du tract, à la lecture de cette demande, pour devenir finalement un élément à part entière de l’œuvre. À la manière d’un enfant qui accroche les portraits de ses amis au mur de sa chambre, l’artiste dispose ensuite ces images reçues sans faire de sélection pour créer ces diverses « masses de présences » tout en investissant l’endroit, qu’il soit public ou privé. Ce désir d’établir un contact se retrouve dans l’exposition « Ici », d’une part dans les photographies de l’artiste qui nous montre son pied, son coude ou son bras toujours mis en rapport avec un objet, une surface ou un mur de son appartement. Il s’agit donc de faire des rapprochements, de remplir un vide en essayant de rendre le monde plus présent. D’autre part, ses deux vidéos animalières Girafes et Ours, réalisées au Zoo de Vincennes, sont d’un réalisme surprenant dans leur approche de la nature. « Des girafes nous regardent et ondulent devant nous. Plus haut, un ours se sent observé et nous dévisage de ses yeux méfiants. Face à eux, la caméra est ce qui voit et ce qui est vu ».