Dominique Gonzalez-Foerster - Retour vers le futur

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 22 septembre 2015 - 480 mots

En choisissant, pour le titre de son exposition au Centre Pompidou, de faire suivre son nom de « 1887-2058 », Dominique Gonzalez-Foerster n’ignore évidemment pas le trouble qu’elle va provoquer.

On peut penser qu’elle s’en amuse et qu’elle se plaît à imaginer tous les scénarios qui vont traverser l’esprit des visiteurs. En réalité, il n’est rien de plus factuel, puisqu’elle a construit celle-ci en rassemblant un certain nombre de ses travaux et que ceux-ci renvoient à une trajectoire temporelle qui va de la fin du XIXe siècle au milieu du nôtre. Voilà déjà longtemps que l’artiste joue de distorsions ou d’ampliations spatio-temporelles. Elle affectionne tout particulièrement fouiller dans la mémoire autant que se projeter dans un futur tout en parlant du présent. Ainsi son exposition à Beaubourg trouve son origine à la fin du XIXe siècle, traverse les expériences du XXe siècle et projette le spectateur dans des paysages et des intérieurs tour à tour tropicaux et désertiques, biographiques et dystopiques.

« Je métabolise »
Entre micro-événements et perspectives d’ensemble, entre le local et le global, le lointain et le proche, le collectif et le personnel, Dominique Gonzalez-Foerster envisage sa démarche artistique à partir de la notion de tropicalisme. Du moins est-ce ainsi qu’elle en parle à Hans-Ulrich Obrist, constatant un effet très visible de « tropicalisation » qui gagne en 2001 la ville de Paris et la conduisant par là à associer son travail à un phénomène de désorientation spatiale. Férue de cinéma, de littérature, de musique et d’architecture, elle élabore une œuvre polymorphe et complexe qui combine tous les genres, qui mêle toutes les époques, qui multiplie les entrées. Balançant entre introspection et rétrospection, chacune de ses expositions s’offre à voir tout à la fois comme un opéra, une comédie musicale, voire la scène d’un théâtre vivant et universel. Ce que l’artiste y met en jeu appartient en effet à une communauté de sensations, de mythes, d’identités, de rêves, de fictions qui nous concernent et qui fondent notre histoire. 

« Je métabolise, déclare l’artiste ; c’est ça l’art : une grande métabolisation du réel. Ça rentre, ça traverse : des choses venues de très loin, d’autres plus récentes. » Au fil du temps, Dominique Gonzalez-Foerster a réalisé des Chambres, des semblants d’espaces domestiques, proposé des Séances biographiques, notamment des récits d’acteurs du monde de l’art, s’est consacrée à la réalisation de films en collaboration avec Ange Leccia ou avec Philipe Parreno et Pierre Huyghe. Ainsi d’Ann Lee in Anzen Zone, suite au rachat du personnage de manga avec ces derniers. Photographe, écrivain, metteur en scène, commissaire d’exposition, Dominique Gonzalez-Foerster s’est encore glissée dans la peau de différents personnages en octobre dernier, à la Fondation Louis Vuitton, en une série de huit apparitions, transformant les lieux en un théâtre d’une « partie d’échecs féerique aux règles altérées. » Treize ans après avoir été la lauréate du deuxième prix Marcel Duchamp, son retour au Centre Pompidou constitue en soi un événement.

« Dominique Gonzalez-Foerster. 1887-2058 »

Jusqu’au 1er février 2016. Musée national d’art moderne - Centre Pompidou. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 11 h à 21 h. Tarifs : 14 et 11 €. Commissaire : Emma Lavigne. www.centrepompidou.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°683 du 1 octobre 2015, avec le titre suivant : Dominique Gonzalez-Foerster - Retour vers le futur

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