Art contemporain

Figuration libre

Di Rosa bien meilleur à l’international

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 8 novembre 2016 - 705 mots

A la Maison rouge, la section consacrée aux périples de l’artiste autour du monde est bien plus réjouissante que la première partie de l’exposition où l’accumulation dissimule mal une certaine vacuité.

PARIS - Conçue par Antoine de Galbert, le président de la Maison rouge, avec l’aide de l’artiste, la nouvelle exposition d’Hervé Di Rosa est à l’image de sa création : foisonnante. Une déferlante d’objets et d’images colorés s’abat sur le visiteur, sous la forme d’innombrables figurines et jouets placés en regard de toiles peuplées de cyclopes aux dents blanches et de superhéros. Il en résulte une impression de trop-plein, conjuguée à un sentiment de vide intérieur. En témoigne la salle « Véhicules » où des ribambelles de maquettes d’avion et de petites voitures de collection s’amoncellent sous des vitrines et courent le long des murs. Sur les cimaises, quelques toiles du maître de la Figuration libre comme Train (1992), représentation de rames progressant sous un ciel plombé de nuages, peinent à dialoguer avec cette accumulation d’objets appartenant à la collection personnelle de l’artiste.

Même entassement dans le « Cabinet de curiosités » peint de couleurs vives : Goldorak voisine avec Tintin, des robots en plastique avec des cyclopes coiffés de casques coloniaux. Tous sont alignés sur les étagères aux côtés d’un petit fusil de Robillard, d’une molaire grimaçante, d’un bois sculpté de l’étang de Thau et d’une chope de bière à l’effigie de l’artiste.
Cacophonie également dans la salle « Classic », orgie d’« action figures », petits personnages en plastique accrochés par lots aux cimaises, emprisonnés sous leur blister, et de figurines amassées sur une table : Spirou côtoie le bibendum Michelin, Dora l’exploratrice le plantureux Babar, et Barack Obama un Saddam Hussein hirsute. Face à eux, l’immense Dirosapocalypse, une toile de 1984 aux couleurs criardes, hantée par un monstre vert annihilant un peuple de superhéros.

Savoir-faire traditionnels
C’est cependant un autre Hervé Di Rosa que l’on découvre dans la section « Autour du monde », la plus vivante et la plus réussie de l’exposition. L’artiste, rétif à tout ce qui enferme, déploie tout son talent quand il franchit ou escamote les frontières. En témoigne son œuvre Découverte des arts modestes (2016), illustration de cet univers qui lui est cher, qui chevauche avec justesse les territoires de l’art populaire, de l’art brut, de l’art contemporain et des peintres du dimanche. L’« art modeste » ? « C’est une notion : habiter un territoire. » L’art brut, l’art naïf, l’art contemporain sont des territoires mentaux qui ont tous des marges, des choses rejetées sur le côté, explique le fondateur du MIAM (Musée international des arts modestes), à Sète. « L’art modeste les réunit tous. L’art religieux par exemple, c’est à la fois les fresques de Fra Angelico et les vierges en plastique de Lourdes », explique-t-il.

Âme de voyageur et de découvreur, Hervé Di Rosa donne toute sa mesure quand il s’exile pour tisser des liens avec les artistes et artisans d’autres pays et continents. Ses voyages à l’étranger lui ont « remis les pieds sur terre ». Au contact des créateurs qui ont conservé leur savoir-faire et leurs techniques traditionnelles, il apprend ainsi le travail de la nacre au Vietnam, la peinture d’icônes en Bulgarie, la terre cuite au Mexique, la peinture d’enseignes au Ghana, l’art des tisserands en Afrique du Sud.

De Séville, où l’artiste découvre les techniques de broderie au fil d’or, il rapporte des acryliques sur bois figurant d’hallucinantes robes de la Vierge Marie, hommages au talent des brodeurs andalous. De Floride, des vues d’univers urbains fragmentés. Du Vietnam, un paravent qui reproduit une jungle peuplée d’éléphants, de serpents et de tigres. De Foumban au Cameroun, de drôles de robots en bois, perles et bronze à la cire perdue. « Hervé Di Rosa redonne vie et légitimité à tout un peuple de créations considérées comme secondaires, œuvres métisses mixtes faites par des artistes locaux, oubliées au fond des réserves des musées. Ouvrir l’art, ce n’est pas seulement créer des formes nouvelles, c’est aussi revoir sans cesse les créations passées et présentes dans une perpétuelle liberté de regard », note Yves Le Fur, directeur du patrimoine et des collections au Musée du quai Branly, dans un texte du catalogue de l’exposition.

PLUS JAMAIS SEUL, HERVÉ DI ROSA ET LEs ARTS MODESTES

Jusqu’au 22 janvier 2017, La Maison rouge, 10, bd de la Bastille, 75012 Paris, tél. 01 40 01 08 81, www.lamaisonrouge.org, tlj sauf lundi et mardi 11h-19h, jeudi jusqu’à 21h, entrée 10 €. Catalogue, 258 p, 28 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°467 du 11 novembre 2016, avec le titre suivant : Di Rosa bien meilleur à l’international

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