Deux cents ans après

Le Musée de Dijon retrace l’histoire de ses collections

Le Journal des Arts

Le 30 juin 2000 - 686 mots

Depuis plusieurs années, les musées, à la suite des historiens, ont pris l’habitude de se pencher sur leur passé. Pour son bicentenaire, le Musée des beaux-arts de Dijon retrace ainsi l’histoire de ses collections, à travers quatre cents pièces dont une grande partie a été extraite des réserves. Plus qu’un exercice nostalgique, cette exposition dessine, dans l’esprit de ses commissaires, les contours d’un musée futur.

DIJON - En créant en 1766 l’École de dessin de Dijon, le peintre François Devosge pose indirectement la première pierre du futur Musée des beaux-arts. Corollaire indispensable d’une pédagogie par l’exemple, un museum associé à l’institution d’enseignement va se développer grâce aux envois des élèves ayant remporté le prix de Rome dijonnais créé en 1775. Associé aux saisies révolutionnaires, ce fonds primitif, déjà installé dans le palais des États, constitue naturellement le noyau du Musée des beaux-arts, inauguré le 7 août 1799. En 1801, les envois de l’État viennent l’enrichir de façon significative : Adam et Ève de Reni, Moïse sauvé des eaux de Véronèse, mais aussi Rubens, Champaigne… Ils comprenaient également “un tableau très important de l’école de Prague, une Vénus endormie attribuée à Dirk de Quade Van Ravesteyn, qui n’avait pas été vu depuis huit ou dix ans”, souligne Emmanuel Starcky, le conservateur en chef. Bientôt, les donateurs prennent le relais, et l’exposition leur rend naturellement hommage. Dans la période récente, à part l’exceptionnelle donation Granville, constituée principalement d’œuvres modernes et contemporaines, les legs se sont fait plus rares, même si les Amis du musée jouent un rôle actif, ainsi que le montre l’acquisition d’un portrait de jeune homme inédit de Bénigne Gagneraux.

D’une manière générale, l’enrichissement des collections est orienté dans deux directions : “D’une part, le patrimoine bourguignon, d’autre part, en référence au musée napoléonien à vocation encyclopédique, l’art européen, et plus particulièrement celui des pays liés à la Bourgogne : la Flandre, l’Allemagne, la Suisse et l’Italie.” “Il y a beaucoup d’acquisitions récentes, dont l’esquisse pour le plafond de Prud’hon dans la salle des Statues ; on ne les présente pas toutes pour ne pas dégarnir les cimaises du musée. La toute dernière se trouve dans les salles permanentes, puisqu’il s’agit du salon Gaulin, que nous avons fait revenir des États-Unis. Il avait quitté Dijon en 1922, avec deux autres pièces de cet hôtel particulier. Acheté par Pierpont Morgan, il avait été donné au Metropolitan, où il a été exposé jusqu’en 1953. Ensuite il a été présenté dans un musée de Los Angeles, puis à San Francisco. Nous avons pu racheter, sur le marché, ce chef-d’œuvre du grand ornemaniste Jérôme Marlet, auteur des portes du salon Condé. Ce sont des boiseries peintes et dorées, très raffinées. Dans les autres villes de province, à la fin du XVIIIe siècle, on n’arrivait pas à cette finesse ; c’est à mon avis un héritage des siècles passés où la sculpture a toujours été à l’honneur en Bourgogne.” Au registre des découvertes figurent par ailleurs de nombreux dessins, les faïences et les porcelaines jamais montrées, et des tableaux qui étaient en dépôt ou en réserve, restaurés pour l’occasion.

Au-delà de son histoire, le Musée des beaux-arts de Dijon se dessine, à travers cette exposition, un avenir possible. En montrant ses chefs-d’œuvre habituellement confinés en réserve, il envoie un signal à la municipalité afin d’offrir un projet d’envergure à ses collections. En effet, seuls 24 % des 2 800 peintures sont présentés, un pourcentage qui tombe à 17 % si l’on considère l’ensemble des collections. Pour cela il faut de l’espace, et le musée a certainement vocation à s’étendre dans d’autres parties du palais des États. Emmanuel Starcky a déjà une idée de ce futur musée : “Nous voudrions redéployer les collections d’une façon originale, avec une présentation synoptique, c’est-à-dire organisée chronologiquement plutôt que par écoles. Cela permettrait de rapprocher le XVe siècle italien, flamand et bourguignon, et de jouer sur l’association pluridisciplinaire.” Avec pour objectif ultime, “voir les œuvres d’une façon nouvelle”.

- L’ART DES COLLECTIONS, jusqu’au 9 octobre, Musée des beaux-arts, palais des États de Bourgogne, 21000 Dijon, tél. 03 80 74 52 09, tlj sauf mardi 10h-18h. Catalogue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°108 du 30 juin 2000, avec le titre suivant : Deux cents ans après

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